5 oct. 2010

Une feuille de route au MMM

Le Mouvement militant mauricien (MMM) dirigé par Paul Bérenger a connu cette année sa cinquième défaite électorale consécutive (partielles de 2003, générales de 2005, municipales tenues dans la foulée, partielles de 2009, générales de 2010). Cette quintuple défaite d’affilée aurait dû entrainer une refondation substantielle du parti pour le remettre sur pieds sur de nouvelles bases afin de pouvoir affronter ultérieurement le suffrage dans des conditions optimales. Tel n’a pas été le choix opéré par le parti qui, de toute évidence, semble persévérer dans son mode de fonctionnement habituel.

Un certain nombre de changements sont nécessaires afin de donner au MMM un nouveau dynamisme. La question d’un changement de la personnalité qui doit assumer la direction du parti est dans cette logique primordiale mais en l’absence de tout autre prétendant sérieux que Paul Bérenger lui-même aux fonctions de leader, elle doit d’emblée être écartée. Elle n’est, en l’état, que de la pure théorie. En contrepartie, un renouvellement des instances dirigeantes devrait s’opérer. Parallèlement, il y a lieu, dans la configuration actuelle du paysage politique mauricien, de chercher des voies et moyens alternatifs pour que le MMM puisse devenir suffisamment attractif.

La communication du Parti doit être revue de fond en comble. Le discours est bien rétrograde ou, autrement formulé, il est vintage ! Le langage n’est pas moderne. Le type de discours et le style restent marqués par ce qui se pratiquait dans les années 70-80. Or, depuis au moins la dernière décennie, il y a eu un bouleversement sans précédent des moyens de communication qui a influé considérablement sur le mode d’expression. La communication s’est fortement démocratisée. Paul Bérenger a dû l’apprendre à ses dépens lors de la dernière campagne : les blagues déplacées ou le langage manifestement démagogique ou encore les propos vulgaires sont immédiatement exploités et les contours amplifiés par l’adversaire. Le discours nouveau du MMM doit être exempt de démagogie et finement soigné. Les slogans doivent être nettement plus attractifs.

Les moyens utilisés pour faire de la propagande méritent d’être adaptés à la modernité. La direction du MMM maîtrise mal, ou très peu, les outils d’internet. En estimant, à tort ou à raison, que le Parti est boycotté par la Télévision nationale, le MMM se serait mieux inspiré en développant, au moins sur la toile, des moyens de diffusion de ses activités. A titre indicatif, les diffusions sur Youtube sont trop segmentées et lacunaires. La page Facebook de Paul Bérenger est très mal administrée et ne répond guère à celle d’un chef d’un parti pouvant prétendre à l’alternance. Paul Bérenger lui-même n’y prête pas d’attention. Or, tous les grands hommes politiques de ce monde sont sur Facebook et anime de manière plus ou moins directe leur page car celle-ci permet avant tout un dialogue fluide et ponctuel, ô combien nécessaire, entre le politique et les citoyens.

L’activité politique du MMM s’est considérablement réduite. Elle consiste principalement à une conférence de presse hebdomadaire le samedi matin, des questions au gouvernement lors des sessions parlementaires et quelques réunions publiques et éventuellement la présence de ses dirigeants lors de certaines cérémonies socioreligieuses. Le MMM a délaissé d’autres formes d’action : la visite sur place, comme cela se fait en Europe, des travailleurs, des chefs d’entreprise, des étudiants, des personnes souffrantes etc. C’est un moyen pour aller à la rencontre des mauriciens et prendre en compte leurs doléances. Le MMM d’aujourd’hui est coupé d’une large partie du peuple.

Le MMM doit soigner son image internationale. Un parti même d’Opposition doit entretenir des relations avec les gouvernements et oppositions de l’étranger. Le MMM s’est trop aliéné depuis quelques années. Le Parti doit s’ouvrir sur le monde. Le leader du MMM se doit d’entreprendre des visites quasi officielles dans les pays étrangers afin d’entretenir sa stature internationale. En l’état, il a complètement abandonné cette fonction et s’est replié sur soi à tel point que le MMM refuse de s’implanter même à Rodrigues, territoire faisant partie de notre République.

Lors des dernières consultations électorales, le MMM n’a pas pu présenter en temps utile un programme électoral attrayant au peuple. Une série de mesurettes sans chiffrage avait été annoncées seulement une dizaine de jours avant l’échéance. Une Opposition digne et pouvant prétendre légitimement à l’alternance doit avoir un programme élaboré, débattu suffisamment et bien entendu crédible. Le mauricien aspire aux bonheur, développement, progrès social et respect de l’éthique. Le MMM n’a pas su mettre l’emphase sur l’idée de développement et de la nécessaire transformation moderne de notre société. Le MMM a manqué, sans jeu de mots, de vision d’avenir !

Or, un certain nombre de secteurs souffre d’une absence de développement. Il s’agit des transports, pour lesquels une multitude de solutions existent indépendamment du métro léger. L’accès à la médecine doit être démocratisé à l’ensemble de la population et les soins offerts par l’Etat doivent être de qualité. Nous avons besoin d’une économie davantage florissante et encore plus ouverte sur le monde. Maurice doit retrouver sa vocation internationale naturelle : une diplomatie dynamique prenant des initiatives, œuvrant pour la paix et capable d’étendre notre zone d’influence. Notre système démocratique mérite d’être assaini sans procéder à de bouleversement de l’équilibre institutionnel. L’idée d’une deuxième République, qui semble être reprise par le MMM, est une proposition contreproductive car elle ne fera qu’effrayer une large partie de l’électorat. Une deuxième République traduit avant tout l’idée d’un futur incertain.

Le MMM a besoin d’une cure de crédibilité. Il doit faire de propositions fortes et montrer qu’il est capable de se conduire comme une Opposition constructive. Il doit également donner la certitude, pour consolider son électorat et ratisser plus large, qu’il n’entend pas faire son entrée au gouvernement en cas de cassure de l’actuelle alliance gouvernementale s’il est appelé en renfort par le Parti Travailliste. La direction doit être dynamisée et les responsabilités mieux distribuées. Tout est encore trop centré sur la seule personne de Paul Bérenger. Or, celui-ci fait de la politique sans grande conviction depuis un certain temps. La politique est devenue un mode de vie pour Paul Bérenger et non une affaire de conviction.

Si le MMM se considère comme un grand parti d’opposition, alors il a l’obligation de conduire son électorat à la victoire…

Dr Parvèz DOOKHY

(publié in Le Mauricien du 5 octobre 2010, forum)