23 août 2011

"Le Président doit avoir un rôle actif", propos recueillis par Michel CHUI CHUN LAM




L'Express du 23 août 2011

«Le Président doit avoir un rôle actif»

Propos recueillis par Michel CHUI CHUN LAM

Parvèz Dookhy, docteur en droit et avocat exerçant en France, livre ses réfl exions sur le principe d’un régime « présidentialiste » .

(…) un rôle d’arbitre, de garant des institutions.

Quels seraient les impacts éventuels, et les implications de l’introduction d’un système « présidentialiste » à la française à Maurice ?

Dans le système « présidentialiste » , ou semi- présidentiel français, le président de la République est la clé de voûte du système institutionnel.

L’élection du Président est la contestation politique majeure. Le Président n’a plus un rôle honorifi que mais il fi xe les grandes orientations de la politique du pays. C’est lui qui choisit le Premier ministre lorsqu’il a une cohérence de majorité présidentielle et parlementaire.

Dans le contexte mauricien, il va de soi que la communauté majoritaire estimera que ce poste doit revenir à un des siens. En tout cas, je vois certaines organisations cultuelles s’activer pour le revendiquer. Puis, se posera aussi la question de l’appartenance ethnique du Premier ministre. C’est un jeu dangereux, je pense. Il y a le risque de confl it institutionnel à la tête de l’Etat.

Quel mode de désignation du président de la République vous semble le plus pertinent ?

Actuellement, le président de la République est choisi par le Premier ministre et son choix est juste ratifi é par le Parlement. Pour qu’il ait plus de légitimité, il faut qu’il soit élu. Tout dépend du rôle qu’on entend donner au Président. Si c’est lui qui détermine la politique de la nation, il doit avoir la légitimité nécessaire et être élu au suffrage universel direct, c’est- à- dire par le peuple.

Si c’est pour lui donner simplement un plus grand rôle, par exemple la possibilité pour le Président de représenter Maurice sur la scène internationale, il peut alors être élu simplement par un collège électoral, comprenant des députés et des chefs des administrations locales.

Vous évoquez les pouvoirs du Président, quels doivent- ils être ?

Pour que le Président puisse avoir le rôle et le pouvoir du président français, il faut trois changements constitutionnels majeurs. Il faut qu’il soit élu par le peuple. Il faut qu’il préside le conseil des ministres et ensuite il doit avoir un droit autonome de dissolution de l’Assemblée nationale.

Personnellement, pour l’équilibre de nos institutions, je pense que le Président peut jouer simplement un rôle effectif dans la conduite de la politique étrangère, vu son expérience et sa stature internationale.

Quelle doit être la relation entre l’exécutif et le législatif dans le cadre d’une II e République ?

Actuellement, il n’y a pas trop de séparation de pouvoir entre l’exécutif et le législatif.

Les ministres sont obligatoirement des députés en exercice, à l’exception de l’ Attorney General. Et le Premier ministre est le Leader of the House , donc c’est lui qui a la maîtrise du calendrier parlementaire. Il peut suspendre le Parlement, comme c’est le cas présentement, à tout moment.

En France, les ministres issus du Parlement perdent, pendant l’exercice de leur mandat ministériel, le statut de parlementaire et ils sont remplacés par leur suppléant.

Ce serait peut- être diffi cile à mettre en place pour Maurice.

Mais on peut imaginer que la Constitution prévoie qu’environ cinq ministres peuvent ne pas être des élus nationaux. Pour permettre aux non- députés d’être ministres.

Et il est impératif que le calendrier parlementaire soit fi xé, c’est- à- dire, qu’il y ait des sessions parlementaires, en conservant la possibilité pour l’exécutif de rappeler le Parlement en temps de crise hors des sessions.

Quel serait selon vous le système le plus viable pour Maurice ?

Il faut être prudent.

Le régime « présidentialiste » à la française n’est pas un bon modèle pour des pays où la démocratie n’est pas parfaitement entrée dans les moeurs. Trop de pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un homme. On l’a vu un peu dans les pays d’Afrique. Je suis pour le régime parlementaire tout en accordant au président de la République un rôle actif : un rôle d’arbitre, de garant des institutions et de représentant de l’Etat sur la scène internationale.

17 août 2011

CIRCONSCRIPTIONS, SÉNATS ET IDENTITÉ PLURIELLE: Réforme électorale, réflexions alternatives (1) | Le Mauricien

CIRCONSCRIPTIONS, SÉNATS ET IDENTITÉ PLURIELLE: Réforme électorale, réflexions alternatives (1) | Le Mauricien du 17 août 2011

La réforme électorale, telle que présentée par des personnalités politiques et exigée par Paul Bérenger, a pour objectif d'empêcher le renouvellement des phénomènes des victoires écrasantes (60/0 ou 57/3) produits à l'issue des consultations démocratiques et améliorer la représentativité parlementaire. Une réforme plus globale peut afficher un deuxième objectif, l'abolition du système des meilleurs perdants (Best Loser), qui a permis un rééquilibrage communautaire des représentants désignés par le peuple. L'idée d'avoir des candidats battus aux élections repêchés en raison leur appartenance ethnique paraît contestable en soi dans une société démocratique et un État de droit où effectivement l'appartenance communautaire ne peut valablement être un critère pris en compte par l'État.

A priori, la réforme, telle qu'annoncée, ne peut susciter que l'approbation. Toutefois, une étude approfondie des conséquences de la réforme appelle de ma part des réserves, voire des réticences. Est-il alors possible de procéder autrement ?

Pour empêcher le renouvellement des victoires écrasantes d'un bloc (groupe de partis en alliance), le projet de réforme porte sur une modification du mode de scrutin. Actuellement, nous avons à Maurice, un scrutin majoritaire (first past the post) plurinominal à un tour (3 députés élus par circonscription et 2 à Rodrigues). C'est ce mode électoral qui favorise largement le parti victorieux en multipliant le nombre de ses élus. Ainsi, il n'est pas en adéquation avec le suffrage national obtenu par les différents partis. Le projet de Paul Bérenger propose le maintien d'un tel système mais parallèlement l'on ajoutera également un scrutin de liste au niveau national, autrement formulé, une dose de proportionnelle. Aux côtés des 62 députés choisis selon le mode habituel, s'ajoutera un certain nombre de députés supplémentaires, d'une vingtaine à une quarantaine, issus d'une liste et choisis selon le scrutin proportionnel. Chaque parti, et selon le pourcentage de voix obtenus, se verra attribuer des députés par ordre de classement sur leur liste.

Ce nouveau dispositif, séduisant en soi, me paraît dangereux. Et ce pour plusieurs raisons.

Contrairement à ce qui existe dans beaucoup d'autres pays, notre système électoral a fait ses preuves et a surtout donné à Maurice une grande stabilité politique malgré les cassures d’alliances : chose que certains grands pays, en particulier, l'Italie et Israël, n'ont pas. La stabilité politique est absolument indispensable pour un pays en voie d'émergence économique. Le peuple choisit lors d’une échéance électorale une équipe qui dirigera le pays pour une période définie, cinq ans normalement. L'île Maurice ne peut pas connaître une instabilité politique, une majorité qui se défait rapidement après une victoire électorale sauf circonstance exceptionnelle. La proportionnelle est malheureusement réputée dans le monde entier comme étant un système pouvant produire de l'instabilité en incitant au fractionnisme. Elle permet l’émergence de plusieurs petits partis à l'Assemblée. Déjà nous savons qu'à Maurice, malgré la bipolarisation qui s'est installée, il y a un trop grand nombre de partis qui ont des sièges à l'Assemblée, en l’occurrence sept. Au sein de la majorité, si elle est faible, les petits partis pourraient faire du chantage au gouvernement, leur soutien étant conditionné à l’application essentiellement d’une revendication. Le scrutin majoritaire à un tour, qui a donné naissance au bipartisme en Angleterre, ou du moins le tripartisme, n'a pas produit à Maurice le même résultat en raison, je pense, du caractère pluriethnique de notre société. Avec la mise en place de la proportionnelle, même partielle, le nombre de partis présents à l’Assemblée pourrait s’accroître encore.

Avec le scrutin proportionnel, le parti a un pouvoir accru. Ce sont les chefs des partis qui choisiront ceux qui seraient en position d’être élus sur les listes. Ce qui poserait un problème de renouvellement des acteurs politiques.

Par ailleurs, il va de soi également qu'avec la proportionnelle certains partis purement ethniques pourraient également avoir des élus. Ce qui serait une régression de la consolidation de la nation arc-en-ciel de Maurice ! Certains diront alors, qu'il y a lieu de fixer un seuil élevé (au-delà de 10% des voix exprimés) pour qu'un parti puisse avoir des représentants selon le scrutin proportionnel accessoire proposé. Si tel est le cas, alors la proportionnelle perd de sa substance, parce qu'un parti comme le MSM ou le PMSD, crédité respectivement de probablement de 4% et 1 %, serait exclu de la proportionnelle. Ce système ne profitera qu’aux grands partis, qui par définition arrivent à avoir des élus. Y-a-t-il alors une autre solution ? Je répondrai à cette question plus loin.

Enfin, un scrutin de liste accessoire pourrait aussi permettre une recomposition postélectorale du paysage politique, un peu à l’exemple de ce qui s’est produit en 1976. Les coalitions se formeront après la proclamation des résultats, vu l’éparpillement des élus et le nombre de partis présents à l’Assemblée nationale, de manière à ce qu’il n’y a pas de victoire claire et nette d’un camp sur l’autre. Se posera, par voie de conséquence, la question de la légitimité démocratique du groupe qui formera le gouvernement et du programme électoral. Comme en 1976, l’opposition pourrait dire que la victoire lui a été volée ! Or, le gouvernement a besoin d’une légitimité à la fois juridique (majorité en nombre à l’Assemblée) mais aussi démocratique (claire victoire aux élections) pour diriger à bien le pays et un programme électoral manifestement approuvé par le peuple. A défaut, la nature westminstérienne même de notre parlement ou en l’occurrence le fait majoritaire, serait en question et l’on verra naître un régime dit d’assemblée.

L'abolition du Best Loser system est tout aussi aventureuse. En théorie, ce système est condamnable. Mais comme l'avait dit le Professeur De Smith, rédacteur de notre Constitution en 1968, c'est un mal nécessaire. Le Best Loser a permis une coexistence pacifique des communautés. Il serait risquant, si à l'issue d'une consultation démocratique, une communauté n'obtienne pas de représentants suffisants à l’Assemblée nationale. L'histoire récente en Afrique et ailleurs dans le monde, nous enseigne de la nécessité d'avoir un équilibre communautaire au sein de la représentation nationale. Aucune communauté ne doit souffrir d'un manque d'élus nationaux. Le système des meilleurs perdants est bien ancré historiquement et aucune communauté ne se sent offensée par l’attribution d’élus supplémentaires à une autre communauté. Pour cette raison, je pense que le système de meilleurs perdants doit se maintenir. C'est ce qui a fait notre réussite.

Alors que faire ? Je pense que toutes les pistes n'ont pas été exploitées. D’autres solutions sont envisageables si l’on veut procéder à une modernisation de notre loi électorale.

Pour empêcher les victoires écrasantes d'un bloc sur l'autre, il serait peut être possible de redécouper les circonscriptions électorales (ou les réduire), les augmenter et prévoir un élu par circonscription. On aura alors, comme en Angleterre et en France, un scrutin uninominal. Actuellement, nous avons 20 circonscriptions à Maurice. On pourrait imaginer 60 ou 80 circonscriptions et avoir un élu par circonscription au lieu de trois. L'idée est de rapprocher le candidat de sa circonscription et éviter la pratique de « vote bloc », le panachage étant une pratique assez marginale chez l’électeur et lorsqu’il le pratique c’est sur une base essentiellement communautariste. Avec ce système, il serait difficile, sauf énorme basculement de l'électorat dans un camp, d'avoir des majorités écrasantes. Si tel est alors le cas, c'est que le peuple a voulu sanctionner sévèrement un régime. Il doit alors avoir de bonnes raison de le faire. Avec un scrutin uninominal (un élu par circonscription), l’électeur ne pourrait faire du panachage communautariste comme actuellement, c'est-à-dire attribuer ses trois voix à trois candidats, de partis différents, issus de sa communauté seulement. Ce serait un pas de plus dans la construction d’une véritable nation mauricienne. Toutefois, les partis politiques devraient être bien attentifs au maintien de l’équilibre ethnique dans la désignation des candidats de manière à ce qu’aucune communauté ne se trouve lésée par ce mode de scrutin.

Je pense, en tout état de cause, qu'il est nécessaire d'augmenter le nombre des représentants nationaux. Une soixantaine d'élus n'est pas suffisante pour diriger un pays. Grands ou petits, les pays ont en général une trentaine de membres du gouvernement (ministres et secrétaires parlementaires privés). A Maurice, tous les membres du gouvernement, sauf l'Attorney-Général, sont des élus, ce qui fait que presque la moitié des députés sont membres du gouvernement. Il ne reste que l'autre moitié (opposition/majorité confondues) pour contrôler l'action du gouvernement. Dans l’actuelle configuration, presque tous les élus de la majorité sont affectés à un poste. Le nombre d’élus n'est pas suffisant. Il y a lieu de l’accroître.

Une autre possibilité, qui va dans le sens précité, serait alors de créer une deuxième chambre parlementaire, un Sénat comme elle est communément appelée. L'intérêt est multiple. Il est toujours utile de faire usage de l'expérience des femmes et hommes politiques qui ont dirigé le pays. En général, la deuxième chambre comporte en son sein des personnalités expérimentées. Aussi, la deuxième chambre reflèterait-elle un rapport de force différent dans le pays, ce qui pourrait tempérer toute victoire écrasante d'un bloc sur un autre si son renouvellement a lieu à une période différente. Elle permettrait d'affermir la démocratie. Reste à définir le mode de scrutin. A l'image de ce qui existe ailleurs dans le monde, le mode de scrutin doit être différent. Il pourrait, lui, être proportionnel. Car, la deuxième chambre devrait avoir des pouvoirs légèrement inférieurs à celui de l'Assemblée Nationale. En particulier, le gouvernement ne serait pas responsable devant elle. L’on peut alors permettre, sans risque pour la stabilité gouvernementale, une représentation de tous les courants de la société.

Au vu de cette analyse, je pense qu'il faudrait avancer dans la consolidation de la nation mauricienne sur le plan électoral, quarante années après notre Indépendance. On ne devrait, toutefois, pas faire abstraction brutalement de notre identité plurielle et de la nécessité d’avoir un gouvernement stable. Le jeu d’alliance est déjà facteur d’instabilité. La proportionnelle va accroitre ce facteur. Il faut y procéder avec délicatesse. En l’état, l’abolition du Best Loser System me paraît prématurée. Il serait peut-être sage de réfléchir encore sur la réforme électorale et que les partis proposent une réforme dans leur programme électoral avant son adoption.

Parvèz DOOKHY

Commentaire:

Je trouve l’introduction d’une dose de proportionnelle dans notre système électoral dangereuse pour plusieurs raisons.

Elle va accentuer l’instabilité politique. La proportionnelle est réputée dans le monde entier comme étant un système pouvant produire de l'instabilité en incitant au fractionnisme. Elle permet l’émergence de plusieurs petits partis à l'Assemblée. Déjà nous savons qu'à Maurice, malgré la bipolarisation qui s'est installée, il y a un trop grand nombre de partis qui ont des sièges à l'Assemblée. Ils sont huit actuellement sur 69 députés. Au sein de la majorité, si elle est faible, les petits partis pourraient faire du chantage au gouvernement, leur soutien étant conditionné à l’application essentiellement d’une revendication. Le scrutin majoritaire à un tour, qui a donné naissance au bipartisme en Angleterre, ou du moins le tripartisme, n'a pas produit à Maurice le même résultat en raison, je pense, du caractère pluriethnique de notre société. Avec la mise en place de la proportionnelle, même partielle, le nombre de partis présents à l’Assemblée pourrait s’accroître encore. On pourrait voir l’émergence des partis religieux.

Pour éviter que des petits partis puissent avoir des élus, il faudrait alors fixer un seuil élevé (au-delà de 10% des voix exprimés) pour qu'un parti puisse avoir des représentants selon le scrutin proportionnel accessoire proposé. Si tel est le cas, alors la proportionnelle perd de sa substance, parce qu'un parti comme le MSM ou le PMSD, crédités aujourd'hui de moins de 10 %, seraient exclus de la proportionnelle. Ce système ne profitera qu’aux grands partis, qui par définition arrivent à avoir des élus.

Dans l’idée de Paul Bérenger, avec une dose de proportionnelle, chaque parti pourrait concourir séparément et les coalitions se feront après que les urnes se soient exprimées. Les coalitions post-électorales sont une méconnaissance de la démocratie. Le peuple vote pour les candidats d’un parti en fonction de son programme électoral. La coalition post-électorale est une coalition en pure opportunité et non pour mettre en place un programme parce que celui-ci n’a pas été approuvé préalablement. Un gouvernement a besoin d’un mandat clair. Une coalition post-électorale rend le mandat flou, incertain et le prive de la légitimité démocratique nécessaire.

La proportionnelle suppose un scrutin de liste. Dans l’idée actuelle, on rajoute une vingtaine ou plus de députés selon une liste de candidats de chaque parti. Au lieu de voter pour un candidat comme c’est le cas actuellement, pour la liste, l’électeur votera pour le parti. Et les candidats les mieux placés sur la liste pour chaque parti en vertu de son score sont élus. Ce système donne aux responsables du parti un trop grand pouvoir, déjà que nous savons que les partis politiques de Maurice, dans leur fonctionnement, ne sont pas démocratique. Donc c’est le chef du parti qui choisira ses proches fidèles pour être sur la liste car l’élection est assurée en tout cas pour les premiers. Concrètement, le Ptr ou le MMM fait approximativement chacun 40% de l’électorat. Sur 20 sièges de la proportionnelle, ils peuvent globalement chacun avoir 8 élus. Qui seront ces 8 premiers sur la liste ? Ce seront des fidèles et leur élection est assurée d’avance. Ca empêchera au final le renouvellement de la classe politique.

Se posera ensuite un autre problème avec une dose de proportionnelle. Il y aura deux catégories d’élus. Ceux qui ont affronté de face l’électorat, dans des circonscriptions données, et qui ont été élus grâce à un vote personnel des électeurs pour eux. Puis, il y a ceux qui sont sur la liste, en bonne position, et qui ont été élus parce que les électeurs ont voté pour le parti. Les deux légitimités ne sont pas égales sur un plan démocratique.

Parvèz Dookhy

8 août 2011

LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE : Pour le dépôt d’une motion de censure  | Le Mauricien


LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE : Pour le dépôt d’une motion de censure | Le Mauricien du 8 août 2011

Pour le dépôt d’une motion de censure

Le gouvernement actuel, recomposé avec la plus grande difficulté au regard de la persistance des ministères vacants et l’absence d’éléments féminins, a perdu toute sa légitimité démocratique. Il n’a pu être reconstitué partiellement que grâce au transfugisme, pratique que le gouvernement a tenté de sanctionner dans un projet de loi sur les élections locales. Il en va du même échec en ce qu’il s’agit de la représentation féminine équitable, complètement réduite à une proportion purement incongrue ! Difficile dès lors d’affirmer que c’est un « Gouvernement rajeuni, féminisé et tourné vers l’Avenir » comme sans doute le Premier ministre aurait voulu le clamer, lui qui aime si tant les grandes formulations françaises lors de ses déclarations solennelles.

La majorité est fragile, voire incertaine. Le Gouvernement n’a plus de cap. Il suffit de voir le nomadisme ministériel de Sik Yuen en si peu de temps. La Primature est même devenue comme un manchot politique lorsqu’on entend son titulaire se plaindre de l’attitude d’un ministre démissionnaire qui l’aurait trahi sans pouvoir agir de quelque manière contre celui-ci. Il ne s’agit plus de l’Alliance de l’Avenir mais l’Avenir de l’Alliance gouvernementale qui est en cause. Dans ces conditions, il appartient à la nouvelle Opposition renforcée de mettre entre parenthèse ses considérations tactiques et stratégiques et de se resserrer autour d’une nécessité : rendre le pouvoir au peuple en faisant adopter une motion de censure par l’Assemblée dès la reprise des travaux.

Certes le MSM est Réduit et ne voudra pas affronter l’électorat de sitôt d’autant que Pravind Jugnauth peut ne plus avoir de circonscription sûre, mais l’Opposition a désormais les moyens de reconquérir rapidement le pouvoir.

Certains élus déçus du régime travailliste pourraient bien être tentés de rallier une Opposition victorieuse et renverser le gouvernement. Ils en sont nombreux.

Paul Bérenger, qui devient de facto le Premier ministre alternatif (Shadow Prime Minister) incontesté, est désormais investi d’une mission essentielle : accéder à la primature pour la plénitude d’un mandat afin de libérer le pays du communautarisme ambiant.

Le MMM doit désormais se mettre sérieusement au travail et élaborer un projet de société attrayant, progressiste et orienté vers le futur.

Parvèz DOOKHY


2 août 2011

INSTITUTIONS POLITIQUES: L’état de notre démocratie | Le Mauricien

INSTITUTIONS POLITIQUES: L’état de notre démocratie | Le Mauricien

INSTITUTIONS POLITIQUES: L’état de notre démocratie

L’île Maurice se distingue de nombreux pays d’Afrique au regard de l’image démocratique qu’elle projette. Les partis sont libres, la tenue régulière des élections législatives est inviolable depuis 1982 et le phénomène de l’alternance politique s’y est installé. Au-delà de ces critères, l’on peut légitimement s’interroger sur l’état réel de la démocratie mauricienne d’autant qu’un certain nombre de faits troublants démontre ô combien Maurice est loin d’avoir atteint une maturité démocratique.
Un système démocratique englobe prioritairement l’idée d’un équilibre des pouvoirs. Or, le Premier ministre mauricien concentre trop de pouvoirs en ses mains. A titre indicatif, il lui revient de nommer le Président de la République (l’Assemblée ne peut que ratifier ce choix) ; il est maître du calendrier électoral qu’il peut garder secret et décide en toute discrétion des sessions parlementaires. Actuellement, le parlement est en vacances alors que des projets de loi sont en souffrance. Le pouvoir législatif doit être indépendant et ne peut siéger au seul bon vouloir du chef du gouvernement. Il y a lieu de fixer, comme dans d’autres démocraties, les dates des sessions parlementaires tout en préservant la possibilité pour l’Exécutif de faire siéger le parlement en session extraordinaire en cas de besoin. La prorogation du Parlement signifie tout simplement que le Chef du gouvernement suspend le travail parlementaire. Il s’agit, sans motif légitime, d’un abus de pouvoir et d’un acte contraire au vœu de l’électeur. Car l’élu national est chargé de contrôler l’action du gouvernement et de voter des lois.
La démocratie locale est tout aussi en veilleuse. Les élections locales n’ont pas été organisées à échéance et les villes sont dirigées par des équipes non légitimes sur un plan démocratique. Le renvoi des élections locales n’est en rien justifié. Au regard de la crise politique récente, les élections locales sont, semble-t-il, renvoyées pour une période indéterminée et cette situation risque de durer. Il serait dès lors nécessaire de constitutionnaliser la démocratie locale pour empêcher tout gouvernement qui serait en situation de faiblesse sur le plan local de reporter sine die les élections locales pour ne pas subir un revers électoral.
D’une manière plus générale, les consultations électorales ne sont pas organisées dans des conditions loyales et d’équité. Il n’y a aucun contrôle sérieux des dépenses électorales des candidats. La corruption électorale est une pratique courante, ce qui permet à certains d’être reconduits aisément. D’où l’augmentation, à première vue, des délits financiers. Selon une logique, les moyens répartis en vue de remporter une élection doivent être récupérés… Un plafonnement effectif et contrôlé des dépenses électorales est une mesure importante pour garantir la tenue des élections équitables.
L’information d’État manque en indépendance et pluralisme. Il est désormais urgent de privatiser la majorité des chaînes publiques de radio et de télévision et d’instaurer des règles strictes en matière d’équité et de pluralisme de l’information. Si l’actuel régime est peu enclin à procéder ainsi, il appartient à l’Opposition, dans le cadre de son offre d’alternance, de proposer de manière crédible et attrayante une libéralisation poussée de l’audiovisuel et d’encadrer le fonctionnement des chaînes publiques. Le pluralisme de l’audiovisuel, et bien entendu de l’information, doit devenir un fondement de notre République.
Le renouvellement politique, nécessaire à une démocratie, est peu pratiqué à Maurice et, lorsqu’il intervient, le principe dynastique prévaut. Ce sont principalement les mêmes familles qui occupent la scène politique depuis notre accession à l’Indépendance. La République a besoin d’une nouvelle génération de femmes et hommes politiques. Afin de dynamiser le renouvellement politique, d’autres pays ont instauré le principe d’une limitation du nombre de mandats qu’un homme politique peut exercer. À titre d’illustration, le Chef de l’État ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs en France, en Russie, en Afrique du Sud et aux États-Unis. À Maurice, il serait peut-être nécessaire de limiter la durée d’exercice du pouvoir par un premier ministre à dix ans et le mandat parlementaire à trois ou quatre. L’Opposition parlementaire serait bien inspirée à engager une réflexion approfondie sur un tel sujet afin de promouvoir l’engagement politique des jeunes et notamment de jeunes femmes pour construire notre avenir commun.
Notre démocratie est restée à l’état primaire. Il y a lieu de lui donner un nouveau souffle afin qu’elle soit conforme aux standards pratiqués dans les pays développés. Elle a besoin d’être accompagnée de nouvelles valeurs qui fondent une société modernisée.