21 févr. 2011

Il est urgent de débaptiser le Square Khadafi à la Plaine-Verte

Square Khadafi, " Place Tahrir "
Il est urgent de débaptiser le Square Khadafi à la Plaine-Verte. Khadafi massacre son peuple de la manière la plus atroce et barbare. On ne peut honorer cet homme. Nommons ce lieu " Place Tahrir " en hommage au courage des peuples arabes. (In Le Mauricien 21 février 2011)

15 févr. 2011

L’exigence démocratique d'un droit à l’information à Maurice

Le droit à l’information d’un peuple à l’encontre de l’administration publique et du Gouvernement est un droit fondamental et constitutionnel. Même certaines pratiques ou législations du Royaume-Uni furent l’objet de sévères sanctions par la Cour européenne de Strasbourg lorsque celles-ci touchent au droit à l’information. Les mauriciens, petit peuple à la merci d'une pratique gouvernementale sans cadre statutaire, ne bénéficient pas de protection statutaire à cet égard. La question se pose si un petit pays avec une petite cour suprême, dont la timidité ou la bravoure reste encore à être appréciée, peut être à cheval sur la question démocratique et garantir les «vrais» droits des citoyens, qui sont tout au plus constitutionnels, dont le droit à l’information.


Or, si un officier d'une fonction publique refuse pour des raisons non démocratiques un droit à l’information, cet acte serait illégal et inconstitutionnel. S'il n’y a pas un acte statutaire en ce sens à Maurice, néanmoins le droit applicable protège le droit du citoyen à l’information. D'abord la Constitution mauricienne prévoit en son article 12 que : «…, il ne sera porté aucune entrave au droit de quiconque à la liberté d’expression, c'est-à-dire la liberté d’opinion, la liberté de recevoir ou de communiquer des informations …».

Le Conseil privé, dont la jurisprudence s’applique à Maurice, et emporte prééminence sur le territoire de celle-ci, avait interprété des dispositions similaires à celles de la Constitution mauricienne dans l'arrêt Observer Publications v Campbell [2001] UKPC 11. En son paragraphe 8, l’arrêt du Conseil privé precise que : «It is necessary to quote in full this section of the said freedom includes the freedom to hold opinions without interference, freedom to receive information and ideas without interference ...». Le Conseil Privé avait rappellé aussi que (paragraphe 52) : «The notion that whenever there is a failure by an organ of government or a public authority or public officer to comply with this law ... necessarily entails the contravention of some human rights or fundamental freedom ...», et que (paragraphe 53), « ... with respect, the image of the Constitution as secluded behind closed doors is not one which their Lordships adopt. Nor would it be right to think of the Constitution as if it were aloof or, in the famous phrase of Holmes J, ‘a brooding omnipresence in the sky’. On the contrary human rights guaranteed in the Constitution ... are intended to be a major influence upon the practical administration of the law. Their enforcement cannot be reserved for cases in which it is not even arguable that an alternative remedy is available. As Lord Steyn said, ... in Ahnee v DPP ... ‘... bona fide resort to rights under the Constitution ought not to be discouraged’». Citons, entre autres, parmi une jurisprudence constante du Conseil Privé, l'arrêt Cable and Wireless v Marpin Telecoms, [2000] UKPC 42 qui incorpore la jurisprudence de la Cour européenne considérant la nécessité d'un contrôle juridique stricte sur toute violation des droits à l’information :«61. … Where in the instant case there has been an interference with the exercice of the rights and freedoms ... the supervision must be strict, because of the importance of the rights in question; the importance of these rights has been stressed by the Court many times. ....».


Ces jurisprudences s’appliquent en droit mauricien, même si elles statuent sur le droit des autres États. La question essentielle au sujet du gouvernement mauricien, pour apprécier également leurs bravoures et leurs sens démocratiques, serait certes dans la considération d'une loi sur le libre accès à l’information. Dans l'arrêt Worme and Anor v Commissioner of Police [2004] UKPC 8, des dispositions constitutionnelles similaires à celles de Maurice furent encore l’objet des observations claires et nettes de la part du Conseil privé. Celui-ci avait même fait référence à l’esprit démocratique qu’épouse la Cour européenne de Strasbourg («the Spirit of the statement of the European Court of Human Rights in Lingens v Austria (1986) 8 EHRR 407, 418-419, at para 42»). Au paragraphe 19 de l’arrêt Worme, le Conseil statue encore que : « … their Lordships bear in mind the importance that is attached to the right of freedom of expression, particularly in relation to public and political matters … … In Hector v Attorney-General of Antiua [1990] 2 AC 312, 318, Lord Bridge of Harwich said: ‘In a free democratic society it is almost too obvious to need stating that those who hold office in government and who are responsible for public administration must always be open to criticism. Any attempt to stifle or fetter such criticism amounts to political censorship of the most insidious and objectionable kind’».


Certes, la législation mauricienne aurait dû suivre le pas, à l’instar des législations des pays «démocratiques». Ceci, malheureusement, n'est pas le cas à Maurice qui n’a pas de législation statutaire en la matière. Ainsi au Royaume-Uni même, le «Freedom of Information Act», donne droit à tout citoyen d’exiger de toute administration, dans des domaines y relatifs, des informations et soumet l’administration à une obligation de répondre et de fournir les informations requises en 21 jours. Citons l’article 1 et 10 du «Freedom of Information Act 2000» du Royaume-Uni: «1. (1) Any person making a request for information to a public authority is entitled : (a) to be informed in writing by the public authority whether it holds information of the description specified in the request, and (b) if that is the case, to have that information communicated to him». ... 10(1): Subject to subsections (2) and (3), a public authority must comply with section 1(1) promptly and in any event not later than the twentieth working day following the date of receipt». En Inde il existe un «Indian Right to Information Act». Le manque de loi cadre à Maurice peut être interprétée comme une aubaine pour une administration et un exécutif qui échappe au contrôle du peuple. L’information qu’ils dispenseraient se ferait par un tri non démocratique, parfois par discrétion d’un ministre ou d’un exécutif.


Mais même en l’absence d'une telle législation, rappelons que le droit applicable est comme le stipule la Constitution, comme le démontre la jurisprudence du Conseil privé. Celui-ci protège le droit à l’information, donc le droit de tous mauricien d’avoir accès à l’information auprès des départements gouvernementaux et auprès de toute fonction publique mauricienne.


Un gouvernement est à tout moment responsable devant la nation. Le peuple à un droit démocratique et constitutionnel à l’information. Il ressort que si un département gouvernemental recèle une information et refuse de la communiquer pour des raisons non démocratiques, cette pratique serait inconstitutionnelle et illégale. Il appartient à la justice de sanctionner alors une telle pratique, et cette justice devait pouvoir se faire même sur le sol mauricien avec une célérité qui en serait digne. C'est dans cette optique qu’il faut apprécier toute pratique gouvernementale qui dispenserait au compte goutte des informations à tous ceux qui en solliciteraient. Ceci constituerait a priori une atteinte aux droits constitutionnels de nos citoyens.


Riyad Dookhy, Barrister (Londres), Chercheur (IRCM, France)

dookhyr@hotmail.co.uk

5 févr. 2011

La peine de mort : le faux débat!

La peine de mort : le faux débat!

L’île Maurice souffre indéniablement d’une montée en flèche des faits de violences les plus graves : vols, viols, meurtres, homicides involontaires dus aux accidents de circulation etc… Les dirigeants au sommet de l’Etat, dont le Président et son Premier ministre prônent de nouveau l’application de la peine de mort. C’est la réponse qu’ils peuvent donner pour tenter d’éradiquer le sentiment de peur dont est affecté le mauricien désormais.

Je ne traiterais pas ici l’absence de dissuasion de lapeine de mort pour un criminel qui souhaite passer à l’acte, mais seulement le cadre ou l’ordonnancement juridique et constitutionnel de Maurice, qui ne permet pas une application de la peine capitale, et les véritables solutions à l’insécurité grandissante.

Le cadre juridique

Maurice n’a plus procédé à l’exécution d’une sentence de mort à l’encontre d’un condamné depuis 1987. En 1995, le Parlement d’alors avait voté en faveur d’une loi suspendant la peine de mort.

Auparavant, le Conseil Privé de la Reine, juridiction suprême pour Maurice, avait considéré, dans une affaire Earl Pratt de 1993 venant de la Jamaïque, que la mise à exécution d’une sentence de mort après une longue période d’attente au couloir de la mort était contraire à la Constitution car elle constituait un traitement inhumain et dégradant. Le Conseil Privé a fait une telle interprétation car souvent les Constitutions des pays du Commonwealth prévoient la conformité de la peine de mort à la Loi Fondamentale. L’article 4 (a) de la Constitution de Maurice vise expressément la peine de mort.

Le Conseil Privé a posé une règle rigoureuse. Toute exécution qui intervient au-delà de cinq années après le prononcé de la sentence violerait la Constitution parce que tombant dans le seuil de souffrance interdit. Au-delà de cette période, le condamné peut saisir le juge d’une requête tendant à commuer sa peine en réclusion criminelle à perpétuité. Cette règle a été étendue à l’île Maurice depuis l’affaire Boucherville en 1994. Puis, le Conseil Privé a considéré que le délai de cinq années n’était pas rigide et qu’il pouvait être réduit.

Parallèlement, le Conseil Privé a affirmé que tout condamné à mort a droit d’exercer toutes les voies de recours possibles et imaginables dont il dispose. Ce qui bien entendu fait écouler le délai fixé. Dans la pratique, l’épuisement de ces voies de recours n’intervient qu’après un minimum de six à sept années après le prononcé de la peine.

Pour réappliquer la peine de mort, il faudrait alors réviser la Constitution de Maurice en son article 7 et rajouter une disposition qui affirmerait que l’attente dans le couloir de la mort ne constitue pas une peine inhumaine et dégradante. Pour cela, il faudrait au Gouvernement une majorité des trois quarts à l’Assemblée Nationale qui voterait en faveur de la réforme nécessaire. Le Gouvernement ne dispose pas d’une telle majorité d’autant qu’en son sein un certain nombre de députés y sont farouchement défavorables.

Par ailleurs, Maurice a signé un certain nombre d’instruments internationaux relatifs à l’interdiction de la peine de mort. L’Union Européenne, par la voix de son représentant a pris position contre la réintroduction de la peine de mort à Maurice. Une majorité de pays évolue vers l’abolition. La République de Maurice, pour son image, ne pourra s’engager dans une démarche bien rétrograde.

Le débat qui s’est instauré au tour de la ré-application de la peine de mort tend finalement à occulter de vraies questions de société que le citoyen doit se poser. Pourquoi il y a une recrudescence de la violence et des crimes ?

La réponse est au moins double : Maurice est caractérisée par une grande fracture sociale et n’a mis en place aucune politique sécuritaire.

L’intégration sociale

L’écart entre le riche et le pauvre s’est considérablement élargi. Les poches d’extrême pauvreté sont en sérieuse augmentation. Il y a comme une ségrégation géographique à Maurice et d’une part la classe socialement intégrée et de l’autre la classe des exclus qui n’a que l’économie informelle pour survivre. Il faut en amont une politique structurelle d’ascension et de mobilité sociale et non une politique de lutte contre la pauvreté telle qu’elle est pratiquée. L’insécurité est la résultante d’un sentiment d’une mauvaise redistribution des richesses et d’injustice et de manque de pouvoir d’achats. Aussi, les affaires de fraude, de corruption et de prise illégale d’intérêts touchant les acteurs politiques les plus puissants n’aboutissent-elles nullement d’autant que le montant des sommes détournées est important. Or, le petit voleur de poule, lui, écope de toute la sanction et de l’arsenal répressif. Cela créé chez le citoyen ordinaire un sentiment de révolte et d'injustice qui sans doute le pousse à la criminalité.

Une politique pénale

L’île Maurice moderne a besoin d’une politique sécuritaire mise en place par un véritable titulaire à plein temps au ministère de l’intérieur. Plus de quarante ans après l’accession du pays à l’Indépendance, il y a lieu de réorganiser les structures gouvernementales afin qu’elles soient en phase avec l’évolution de notre société. Les policiers méritent de recevoir une formation poussée sur les techniques d’enquête pour être plus efficace. La Justice a le besoin d’être plus réactive et agir avec célérité. Elle doit faire assurer le suivi des récidivistes pour qu’ils ne repassent pas à l’acte à leur élargissement de la prison.

La solution ne peut être unique. Une série de mesures d’ensemble est nécessaire pour l’établissement d’une politique d’intégration et pénale…

Dr Parvèz DOOKHY

(In Le Mauricien du 5 février 2011)