28 avr. 2008

Cassam Uteem et la nation mauricienne

Les récentes déclarations de Cassam Uteem, publiées dans Week-End du 27 avril 2008, à l'effet que Paul Bérenger ne devrait pas se présenter comme premier ministre alternatif lors des prochaines élections législatives en raison de son origine ethnique appellent de notre part la plus grande désapprobation d'autant qu'une telle réflexion, condamnable en soi, provient d’un ancien président de la République.

L'analyse de Cassam Uteem est infondée et ce pour plusieurs raisons en dépit même du fait qu’il affirme que ce serait un moyen pour mieux construire la nation mauricienne !

Dans une démocratie qui se respecte, tous les citoyens ont le même droit, et en particulier pour occuper toutes les fonctions de responsabilité que la République peut offrir. La méritocratie, corolaire du principe d'égalité, en est l'affirmation. Le contraire signifierait que l'île Maurice n'est pas un pays démocratique, mais plutôt de discrimination ethnique. Il faudrait alors être bien né pour prétendre à pouvoir assumer de hautes fonctions. Il va de soi que le citoyen, attaché aux valeurs qui fondent la République de Maurice, ne peut souscrire à une telle analyse. Si certains ont encore cette vision, elle mérite d’être combattue. Accepter l’argumentation de Cassam Uteem voudrait dire que presque la moitié de la population, qui ne fait pas partie de la communauté majoritaire, est exclue d’emblée à être aux plus hautes responsabilités.

S’agissant du cas de Paul Bérenger, les propos de Cassam Uteem appellent encore plus de réserves. Parce qu’en dépit de la volonté de Cassam Uteem de faire de la realpolitik, Paul Bérenger s’est présenté devant l’électorat en 2000 comme Premier ministre alternatif, fût-il dans un deuxième temps, et celui-ci a massivement voté en sa faveur. Après avoir été Premier ministre dans les faits de 2000 à 2003, il l’est devenu en titre pendant deux ans. Au cours des deux années pendant lesquelles il était à la primature, et ainsi que le soutient avec raison Dinesh Ramjuttun, aucune des communautés composant la nation mauricienne ne s’est estimée lésée par la politique du gouvernement de l’époque.

Il paraît important de souligner que Paul Bérenger, en tant que Premier ministre sortant en 2005 a connu une défaite honorable. Ce qui traduit que le peuple n’a pas rejeté sévèrement le régime sortant comme d’autres Premier ministres, hindous de surcroît, (S. Ramgoolam, A. Jugnauth, N. Ramgoolam) l’ont été respectivement en 1982, 1995 et 2000. La nation mauricienne, dans sa globalité, n’a jamais considéré le fait d’être non hindou comme une interdiction à être chef de gouvernement.

Par ailleurs, Cassam Uteem fait référence au cas de Sonia Gandhi pour soutenir son argumentation. Sonia Gandhi, après avoir remporté, en Inde, les élections législatives en tant que chef de file de son parti, a décliné, par anticipation, une nomination comme Premier ministre. La situation de Paul Bérenger est fort différente. Ainsi que nous l’avons indiqué, Paul Bérenger a été Premier ministre de l’île Maurice. Aussi, pendant la campagne électorale, Sonia Gandhi s’est bien présentée comme Premier ministre dans le cadre d’une éventuelle victoire de son parti, c’est-à-dire après approbation par le peuple de sa candidature au poste de Premier ministre. Ce n’est qu’après la victoire qu’elle a refusé d’assumer les fonctions premier ministérielles et ce pour plusieurs raisons liées au contexte politique indien : assassinat de sa belle-mère et de son mari, l’attente pour son fils d’avoir davantage d’expérience. Il se peut aussi que sa renonciation soit liée au fait qu’elle soit d’origine étrangère. Sonia Gandhi possède, par ailleurs, la nationalité italienne. Ce n’est nullement le cas de Paul Bérenger. Il est fils du pays, né à Maurice et y a toujours vécu. Il ne possède aucune autre nationalité. Il appartient à une communauté qui est partie intégrante de la nation mauricienne et qui a considérablement contribué au devenir historique du pays. La comparaison de Paul Bérenger avec Sonia Gandhi est maladroite sinon inappropriée.

Dr Parvèz Dookhy