31 janv. 2011

Lorsque Maurice met sa souveraineté au second plan

Lorsque Maurice met sa souveraineté au second plan

http://www.lexpress.mu/story/20562-lorsque-maurice-met-sa-souverainete-au-second-plan.html

Est-ce que la République de Maurice a adopté la meilleure politique pour faire respecter son intégrité territoriale ? La question peut légitimement être posée au regard de la stratégie de reconquête de son espace territorial mise en place par l’actuel régime et de la gestion de ses territoires d’outre-mer. Cette réflexion porte sur la position de Maurice sur l’île Tromelin, les Chagos, et l’administration d’Agaléga et éventuellement Rodrigues. Autrement formulée, la question que nous pourrions nous poser est : est-ce que la République de Maurice abandonne subtilement ou naïvement, lentement, mais surement sa souveraineté ?

Tromelin

Maurice a commencé à revendiquer officiellement Tromelin (anciennement île de Sable) depuis 1976. Le 7 juin 2010, Maurice a signé avec la France un accord d’une durée de cinq ans, reconductible tacitement, dite de cogestion de l’île Tromelin mais qui en réalité ne porte uniquement que sur la cogestion en matière de la protection de l’environnement, de la pêche et de l’archéologie. Si cet accord revêt un caractère historique, force est de constater que Maurice a bien mis, dans les faits, entre parenthèse la revendication de sa souveraineté sur Tromelin depuis. Car Maurice n’a pas signé un accord de cogestion totale de Tromelin et encore moins de co-souveraineté avec la France. D’un côté, la France s’est bien empressée de faire mention expresse de Tromelin comme relevant de ses Terres Australes et Antarctiques (Françaises) en février 2007, et de l’autre la République de Maurice se sent embarrassée de continuer à revendiquer sa souveraineté sur Tromelin pour ne pas froisser la Partie Française. Sur un plan strictement juridique, la signature d’un accord avec la France entre de facto une reconnaissance de la souveraineté française sur l’île par Maurice. C’est comme une sorte d’abandon de sa revendication…

Diégo Garcia

La tactique d’approche des actions judiciaires de Maurice contre le Royaume-Uni s’agissant des Chagos nous conduit à un résultat similaire. Maurice engage une action contre le Royaume-Uni devant le Tribunal de la mer pour contester uniquement le droit à l’Angleterre d’instaurer une Zone Marine Protégée aux alentours des Chagos. Or, la question principale, qui est la souveraineté de Maurice sur les Chagos, a été mise à l’écart. L’action devant le Tribunal de la mer est bien inutile, voire contreproductive dans la mesure où une réussite n’emporterait aucune conséquence positive sur la souveraineté de Maurice sur les Chagos et une défaite porterait un coup dur à sa revendication. La sentence du Tribunal serait définitive et non susceptible d’appel. Par ailleurs, Maurice a rédigé sa requête (Statement) avec peu de professionnalisme car initialement elle comportait des erreurs factuelles que le Premier ministre a dû reconnaitre et corrigées après que Paul Bérenger les ait pointées du doigt. En matière de souveraineté, plus le temps passe plus il devient difficile de revendiquer une souveraineté. Or, en ne privilégiant pas la question de la souveraineté, Maurice risque fort de perdre du temps et reconnait tacitement la souveraineté britannique sur les Chagos en ne discutant que sur une question bien secondaire ou accessoire.

Agaléga

Les révélations de la presse indienne relayée par la presse mauricienne sur une éventuelle cession les îles jumelles d’Agaléga à l’Inde démontre ô combien l’actuel régime est peu soucieux de l’intégrité territoriale de la République. Un sérieux doute subsiste quant aux réelles intentions des dirigeants mauriciens. Car, si Navin Ramgoolam a dû, sous la pression de la presse et de l’Opposition, démentir de telles révélations, aucun officiel indien ou le Gouvernement indien ne s’est associé à un tel démenti. Le journaliste indien a maintenu malgré le démenti ses affirmations et n’a pas été inquiété en Inde pour propagation de fausse nouvelle ! Et l’Inde étend son emprise sur Agaléga dans la mesure où Maurice sollicite la coopération de l’Inde pour le développement d’Agaléga. Alors que les agaléens estiment qu’ils sont bien victimes d’une politique d’abandon de la part de la République de Maurice.

Rodrigues

Rodrigues bénéficie d’un régime d’autonomie tout en faisant partie de la République de Maurice. Néanmoins, Maurice pratique depuis quelques années une politique d’abandon à l’égard de Rodrigues. L’île n’est pas associée au développement que connaît Maurice et continue de faire face à des difficultés quotidiennes graves tant au regard de l’accès à l’eau potable, de la santé etc… Les différents ministères du gouvernement, à l’exception du ministère de tutelle, se soucient peu ou pas de Rodrigues alors que l’île fait partie du territoire de la République. Face à la dégradation et des difficultés de vie, la tentation est grande parmi certains dirigeants locaux rodriguais de proclamer l’indépendance de l’île. Maurice doit prendre cette tentation, voire menace, au sérieux et agir en conséquence. Le fonds annoncé par Xavier Duval récemment ne constitue qu’un palliatif à la misère et non une politique d’intégration et développement. Une nouvelle politique est nécessaire à l’égard de Rodrigues afin de la maintenir sous souveraineté pleine et entière de Maurice.

La République de Maurice doit se ressaisir. La République ne doit pas permettre son démembrement territorial par une politique irresponsable. Elle doit être ferme, active et surtout efficace dans ses actions en revendication de ses territoires et elle ne doit en rien procéder d’elle-même à l’abandon de ses territoires.

Parvèz DOOKHY

24 janv. 2011

Pour un couple Maurice-Réunion

Pour un couple Maurice-Réunion

Maurice et la Réunion sont communément appelées les « îles sœurs ». Il s’agit d’une appellation bien exotique dénuée de toute vision ou ambition diplomatique. Or, Maurice et la Réunion partagent bien un destin commun sur bon nombre de domaines malgré notre séparation institutionnelle depuis maintenant deux siècles, depuis le Traité de Paris de 1814. Le moment est aujourd’hui peut-être venu pour transformer ce destin commun en une force politique et diplomatique.

Maurice et la Réunion, sont deux pays d’exception en Afrique.

La Réunion est en soi une particularité en Afrique dans la mesure où elle fait partie du territoire de la République Française, et elle appartient à ce titre, également au continent européen. Elle se distingue des autres pays en vertu du standard de son Administration, sa bureaucratie et son développement économique. Elle reste néanmoins une terre africaine en raison de sa situation géographique et son peuplement. Elle mérite d’avoir toute sa place en Afrique même si elle n’est pas un État du moins en tant que territoire ou pays.

Maurice est l’exception africaine par définition. C’est le seul pays membre des organisations africaines qui connait une grande stabilité, une paix sociale, une démocratie respectée et appliquée, un développement économique, une croissance à envier et un système judiciaire disposant d’une indépendance très poussée. L’île Maurice peut également être fière de son bilinguisme.

Maurice et la Réunion ont des atouts considérables qu’il y a lieu désormais de mettre en exergue.

Un peu à la manière du couple France-Allemagne (ou franco-allemand), qui est un véritable moteur de la construction européenne, Maurice et la Réunion pourraient former un couple chargé de tirer l’Afrique vers le haut, chargé de son avancement. Nous devons, avec la Réunion, mettre nos atouts au service de l’Afrique. Ce serait infiniment utile pour le Continent.

La visite officielle du Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam, à l’île de la Réunion pourrait alors marquer le début d’une nouvelle coopération, non pas seulement bilatérale, mais avant tout géo-stratégique.

L’Afrique a besoin de clairvoyance, d’ambition, de volonté. Le couple Maurice-Réunion pourrait être le facteur dynamisant pour une nouvelle ère. C’est leur vocation historique et commune…

Parvèz DOOKHY

(In Le Mauricien du 24 janvier 2011)

17 janv. 2011

Pour une autre île Rodrigues !

Pour une autre île Rodrigues !

Il faudrait tout autant « une autre île Maurice » qu’une autre île Rodrigues pour des raisons éventuellement différentes. L’île Maurice a besoin de sécurité publique, d’une transformation transcendantale des réflexes sociétaux, d’une politique économique équitable, de professionnalisme et d’éthique. Rodrigues a besoin, par contre, d’une mutation institutionnelle substantielle et de grands travaux.

Dans un élan de bonne volonté et de respect à l’égard du peuple de Rodrigues, le gouvernement animé par Sir Aneerood Jugnauth et Paul Bérenger (2000-2005) a accordé aux rodriguais des institutions leur permettant de prendre en charge en grande partie leur propre destinée.

L’île Rodrigues bénéficie d’un régime d’autonomie depuis la fin 2001-2002, une autonomie dite maximale selon les termes mêmes de Paul Bérenger.

Le peuple de Rodrigues a à son actif une longue lutte, pacifique, de revendication pour une considération politique. La première revendication remonte en 1915 lorsqu’un groupe de rodriguais déplorait l’absence de toute représentation de Rodrigues au sein du Conseil Législatif. C’est grâce à une forte mobilisation de l’opinion que les rodriguais ont pu obtenir finalement cette représentation au sein de l’Assemblée Législative de Maurice en transition vers l’indépendance et avoir dans la foulée le droit de vote. Le Mouvement militant mauricien de Paul Bérenger a fait le choix de ne pas s’implanter à Rodrigues dans un souci de considération à l’égard de Rodrigues et de composer éventuellement le gouvernement avec les élus de la circonscription de l’île. En devenant l’homme fort de la République de Maurice en 2000, Paul Bérenger, pérennement attaché à l’évolution des institutions publiques de l’Etat de Maurice, a voulu alors devancer l’Histoire de Rodrigues et s’est inspiré du modèle écossais d’autonomie.

En vertu de la Loi sur l’Assemblée Régionale de Rodrigues, l’instance dirigeante de l’île peut désormais non seulement légiférer mais également conclure des accords et solliciter de l'aide à l'extérieur, ce après l'aval des Ministères des Affaires étrangères et du Plan. Le Conseil exécutif de l’île peut également lancer des appels d'offres d'une valeur maximale de 10 millions de roupies pour l'exécution des projets de développement.

Bien que très honorable dans la démarche, l’on peut s’interroger aujourd’hui sur les bienfaits de l’autonomie de Rodrigues telle qu’elle a pris forme ces temps derniers dans la pratique et se demander si, dorénavant, d’autres politiques de développement institutionnel existent pour l’île.

L’île Rodrigues n’a pas connu de politique de décentralisation. Cette île ne comporte en son sein aucune ville administrée par une mairie ou municipalité. Il est dès lors peut-être utile de créer à Rodrigues des villes, dans le cadre de la réforme des administrations locales à venir, avec des compétences fortes. Parallèlement, l’île Rodrigues devrait bénéficier d’une intégration parfaite et absolue à la République de Maurice, un droit égal au développement et au progrès, un peu à la manière de la Réunion à l’égard de la France. Or, il existe aujourd’hui une fracture sociale accentuée et très contestable entre Maurice et Rodrigues.

Aussi, l’autonomie de Rodrigues s’avère-t-elle désormais dangereuse. Elle est devenue une aventure périlleuse pour les rodriguais eux-mêmes dans la mesure où leurs dirigeants locaux n’ont pas été aptes à assumer avec maturité la destinée de l’île et se sont lancés dans des querelles futiles. Elle s’est traduite en une entreprise imprudente car certains responsables politiques très mal inspirés, y compris parmi des natifs de Maurice, commencent à évoquer l’idée d’une indépendance de l’île alors que la République déploie des efforts considérables, tous gouvernements confondus depuis 1982, pour le respect de son intégrité territoriale en tentant de récupérer sa souveraineté sur l’île Tromelin et l’Archipel des Chagos. Des puissances étrangères en quête de points d’appui hors de leurs frontières pourraient aisément saisir la perche de l’indépendance de Rodrigues et animer une agitation politique dans leur seul intérêt. L’autonomie est enfin source de conflit entre les organes exécutifs de la République et ceux de l’île Rodrigues.

Au-delà de ce caractère hasardeux, l’autonomie de Rodrigues est malheureusement devenue une politique bien égoïste, non dans sa philosophie mais dans son application telle qu’elle a été exécutée ces dernières années. Maurice a connu un développement caractérisé et l’île Rodrigues est restée à la traîne d’un essor économique digne et de la modernisation. Car Rodrigues reçoit une dotation budgétaire limitée, ce qui freine son développement.

Il serait alors nécessaire de concevoir une nouvelle politique égalitaire et unitaire pour Rodrigues par rapport à Maurice. L’intégration et l’assimilation à Maurice donneraient à Rodrigues et aux rodriguais davantage de droit et de respects. L’élu de la circonscription de Rodrigues serait traité en égal d’un autre élu de Maurice et pourrait assumer des fonctions nationales. Parallèlement, chaque Ministère du gouvernement de la République aurait l’obligation d’accorder la part qui lui revient à Rodrigues dans l’exécution de la politique nationale, que ce soit l’accès à l’éducation, à la santé, aux ressources vitales, au développement etc. La modernisation de Rodrigues devrait être une des préoccupations majeures de tous les ministères de la République et non laissé au seul Conseil exécutif de l’île. Cette dernière devrait être administrée comme un district à part entière de la République.

Parvèz DOOKHY

(In Le Mauricien du 17 janvier 2011)