30 juil. 2011

Me PARVEZ DOOKHY: " Difficile à Navin Ramgolam de s'imposer comme avant"


"Difficile à Navin Ramgoolam de s'imposer comme avant" Interview in Samedi Plus du 30 juillet 2011

Notre compatriote Parvèz Dookhy exerce comme avocat au barreau français. Auteur de plusieurs articles de réflexion sur la réforme au niveau politique et constitutionnelle, il jette un regard critique sur les derniers évènements ayant bouleversé l'échiquier politique.

Parvez Dookhy, que pensez-vous de la décision des ministres du MSM de se retirer du conseil des ministres ?
C’est un fait politique majeur. Depuis une décennie nous avons connu, contre toute attente, des alliances électorales stables et reconductibles. Depuis 1967 jusqu’en 2000, les ruptures d’alliances étaient bien régulières. Les alliances redeviennent fragiles. Mais la solidarité envers l’ex ministre de la santé est à interpréter. Est-ce parce qu’elle est mise en cause dans un délit économique ou parce qu’elle a été arrêtée et sur ordre de qui ?

Sommes-nous dans une crise institutionnelle ou constitutionnelle avec cette décision d’une des factions de l’alliance gouvernementale de ne plus diriger les affaires de l’État ?
Nous sommes dans une crise politique déjà. Elle sera institutionnelle si le gouvernement n’arrive plus à survivre et surtout de diriger la politique de la nation. Il faut revoir la recomposition au Parlement. Pour l’heure le MSM soutient toujours la majorité mais c’est une farce. Ce qui est sûr c’est que le gouvernement est dans l’instabilité !

Techniquement est-ce qu’un ministre du gouvernement peut s’attendre à rester en fonction des qu’il ou qu’elle est mis en examen ?
Il y a le principe de la présomption d’innocence qui doit s’appliquer à tout le monde. En même temps, dans le monde politique, on doit être au-delà de tout soupçon. C’est une question non pas juridique mais de légitimité politique. Un élu qui commet une faute morale est discrédité. La politique n’est pas du juridique.

Y-a-t-il des corrections ou des amendements à apporter au système pénal mauricien en ce qu’il s’agit du pouvoir d’arrestations des personnalités publiques ?
Certains pays prévoient pour les élus une immunité pénale ou une procédure plus complexe (par exemple, l’obtention préalable du président ou du gouvernement). Ce n’est pas nécessaire. Il faut simplement à l’autorité chargée de l’arrestation un peu de maturité. Dans le cas de Maya Hanoomanjee, je pense que l’on aurait dû attendre tranquillement sa sortie de l’Hôpital privé. Ca n’aurait pas duré éternellement. Là, l’ICAC a agi en toute urgence. Elle a fait extraire une patiente de l’hôpital privé, l’inculper, la présenter devant un juge et elle retourne à l’hôpital. Tout ça vicie un peu la procédure. Si la concernée a fait des déclarations aux enquêteurs, elle pourrait revenir aisément sur ses déclarations en arguant devant un juge son état de santé du moment. Donc ce n’est pas très habile d’avoir procéder ainsi.

Êtes-vous satisfait du fonctionnement de la Commission Anti-Corruption, l’ICAC a Maurice ?
C’est un fait que l’ICAC manque en indépendance. Le Directeur général est nommé par le Premier ministre pour une durée de 5 années reconductibles. Il aurait dû être nomme par le Chef-Juge en exercice. Et bénéficier d’un mandat plus long mais pas reconductible, ce qui veut dire qu’il n’aurait pas eu de compte à rendre. Ces changements sont nécessaires pour donner à l’institution une indépendance nécessaire. Aussi serait-il mieux si ce poste est occupé seulement par des anciens juges.

Que risque-t-il de se passer sur le plan politique avec ce changement important ?
Les cartes sont redistribuées. Plusieurs hypothèses sont envisageables. Arithmétiquement, le gouvernement peut encore survivre mais ce sera difficile de gouvernement avec une si courte majorité (en cas de changement de camp du MSM) car des fois il y a des députés-ministres absents à l’Assemblée pour diverses raisons (voyage, maladie etc). Paul Bérenger reprend un peu la main et peut désormais s’affirmer comme le Premier ministre alternatif. Il va encore tout faire pour précipiter le départ définitif du MSM de la majorité. Une fois fait, la donne politique change et le rapport de force. Pravind Jugnauth tape un coup de poing sur la table et joue malgré tout la prudence. Paul Bérenger joue un peu avec le feu : il doit attirer le MSM, leur donner des garanties et en même temps le MSM est un fardeau pour son électorat. Il lui serait plus sage de laisser le MSM dans sa situation actuelle, c'est-à-dire en dissidence par rapport au gouvernement sans être dans l’opposition. Cette situation sera vite inconfortable pour le MSM qui est un parti du pouvoir dans tous les sens du terme.

Est-il possible de gouverner avec le principe de solidarité gouvernementale à la lumière des derniers évènements ?
La solidarité gouvernementale a pris un sacré coup. Il faut voir la réaction d’autres éléments de l’Alliance de l’Avenir. Certains y sont des spécialistes de l’éjection avant le crash.

Est-ce que Pravind Jugnauth a marqué des points importants pour sa carrière politique surtout son désir d’être un jour le Premier ministre ?
Il prend de sérieux risques. Il peut s’affaiblir au sein de la majorité et être contraint de passer dans l’Opposition. Le MMM est en situation de force au regard de sa performance électorale seul et de tous les scandales actuels et à venir dont fait face l’actuel gouvernement.

Est-ce que la cassure gouvernementale risque de s’approfondir pour aller vers les élections générales ?
Ce n’est pas à écarter. Ce sera désormais difficile à Navin Ramgoolam de s’imposer comme avant. Avec le départ du MSM du gouvernement, il perd en légitimité politique même s’il a une majorité qui le soutient encore. La confiance, qui a été la règle d’or de la conclusion de l’Alliance de l’Avenir, n’y est plus !

Puisque tout est possible en politique, peut-on avoir un remake de l’alliance MSM/MMM ?
Les militants vont revendiquer pour que ce soit en tout état de cause une alliance MMM/MSM et non l’inverse avec Paul Bérenger Premier ministre pour toute la plénitude du mandat. Vu la conjoncture politique, si le MMM réorganise le parti et établit un programme alternatif séduisant, le parti peut se présenter seul et affronter le suffrage et remporter les élections. Le MMM doit cibler les jeunes.


Ou encore une fameuse lutte a trois ?
C’est un peu du fantasme politique. Le MSM n’est pas en situation d’une lutte à trois. Donc, il s’accrochera à un autre parti ou bloc.

Le tout sans la reforme électorale et constitutionnelle longtemps attendu…Vos commentaires ?
La réforme est reportée sine die. Il n’y aura pas de consensus nécessaire. On peut dire que c’est définitivement abandonné pour cette Législature.

27 juil. 2011

Une rupture PTr-MSM pourrait donner le premier rôle à SAJ

Article de Gilles RIBOUET dans le journal L'Express du 27 juillet 2011
Une rupture PTr-MSM pourrait
donner le premier rôle à SAJ

Gilles RIBOUETLA panique parlementaire n’est pas pour tout de suite. Mais elle pourrait faire surface si le MSM décide fi nalement de prendre ses distances de l’alliance gouvernementale au sein de laquelle il ne resterait alors que le PTr et le PMSD. Pour autant, rien ne prédit que le parti orange se jettera dans les bras mauves. Dans cette éventualité, on se retrouverai avec un Parlement multipolaire, sans majorité absolue ( 35 sièges).Malgré un tel cas de fi - gure, « le Premier ministre ( PM) peut continuer à gouverner tant qu’il n’a pas été renversé » , sachant qu’ « en politique, un PM est battu non seulement par une motion de censure mais aussi par le rejet d’une loi proposée par le gouvernement » , avance l’avocat Parvèz Dookhy. En théorie donc, s’il y a cassure, le bloc gouvernemental PTr- PMSD ( 33 députés) devrait à coup sûr compter ses jours.Ce genre de situation inédite, dite de « hung parliament » ( littéralement, parlement pendu ) ou « parlement sans majorité » , n’est pas à écarter totalement. Ce scénario ne donne pas tant le premier rôle aux leaders politiques qu’au président de la République.Car les amendements constitutionnels d’août 2003 portant sur l’accroissement des pouvoirs présidentiels donnent des réponses à ce type de situation. Pourtant, pour Navin Ramgoolam, alors leader de l’opposition, ces « amendements inutiles » représentaient une « escroquerie politique » . Et il pourrait en faire les frais quelques années après leur adoption.Bref, dans le cas où le Premier ministre serait mis en minorité par le rejet d’un projet de loi important ou motion de censure d’une opposition, même éclatée, « le président dispose d’une marge de manoeuvre lui permettant de le révoquer et/ ou de dissoudre l’Assemblée nationale » . Autre option, et non des moindres, issue des amendements de 2003, « le Président peut aussi nommer un autre député Premier ministre » , souligne Parvèz Dookhy.Razack Peeroo, ancien Attorney General, précise le contenu de l’article 57- 1( a) de la Constitution : « Quand le PM n’a pas la majorité, le Président peut, dans sa sagesse, désigné un député qu’il estime capable de commander une majorité pour former un gouvernement. Mais s’il ne trouve personne, il devra alors dissoudre le Parlement et on ira vers des élections générales anticipées. » En fait, le PM pourrait se retrouver bloqué.Car si la situation ne s’arrange pas, la dissolution de l’Assemblée ne lui serait pas acquise puisque « le Président peut la lui refuser et demander à ce qu’un autre leader démontre qu’il peut commander une majorité parlementaire » , laisse entendre l’ancien président Cassam Uteem.Quoiqu’il en soit, l’atmosphère politique délétère, malgré les propos de Pravind Jugnauth hier, laisse planer l’hypothèse d’une très courte majorité à l’alliance au pouvoir avec 33 sièges ( 29 travaillistes, 4 PMSD) assortis des deux sièges du MR dont celui du ministre Von- Mally. Cette majorité d’un siège serait problématique car « dans une courte majorité, tout député de la majorité peut faire du chantage pour faire tomber le gouvernement, sans compter le problème des déplacements des députés et ministres de la majorité à l’étranger » qui pourrait valoir un revers politique ( loi non votée) et ainsi ouvrir la porte à une retouche présidentielle.Pour Razack Peeroo, ce type de situation ne doit pas perdurer au risque de créer « trop d’instabilité institutionnelle » et « d’agitation politique » . Qu’on se rassure, les amendements constitutionnels de 2003 « évitent qu’une situation de hung parliament s’éternise et ne paralyse les institutions » , conclut Cassam Uteem.« Un ‘ parlement sans majorité’ n’est pas à écarter. »

Démission des ministres MSM: quelques hypothèses


http://www.lemauricien.com/node/1525
(in Le Mauricien du 27 juillet 2011)

Démission des ministres MSM

Quelques hypothèses

La démission des ministres du MSM du gouvernement rend le contexte politique flou et incertain. De nombreuses hypothèses restent valables et d’actualité.

Il se peut que la démission en bloc des ministres du gouvernement mais pas de la majorité ait pour but de faire pression pour que les charges pesant sur l’ex ministre de la santé soient abandonnées. Cette dernière a pu payer le prix d’une indiscrétion à l’oreille du leader de l’opposition. D’où cette posture de solidarité envers une ministre non pas en raison de son implication dans une affaire mais du fait qu’elle ait été victime de représailles. En restant dans la majorité, le MSM accorde un temps au Chef de gouvernement pour un nouvel accord.

La démission en bloc du MSM peut aussi être une étape transitoire avant de rejoindre les bancs de l’Opposition à l’Assemblée. C’est une manière pour le MSM de pouvoir mieux négocier avec le MMM éventuellement et trouver un terrain d’entente alors que le Chef de l’Opposition souhaiterait précipiter la chute du gouvernement.

Est-ce que le gouvernement peut durer dans le soutien du MSM ? La réponse est complexe. Si sur un plan arithmétique le gouvernement détient (sans le MSM) une courte majorité, il lui sera difficile de diriger avec aisance. Car il y a des députés qui peuvent être absents au parlement à un moment ou un autre, ce qui réduit la majorité lors des votes (par ex. un ou député ministre en voyage, malade etc.). Par ailleurs, avec une courte majorité, tous les députés ont un pouvoir de marchandage très fort. Le PSMD est propulsé en position de force et peut revendiquer de grands ministères et notamment celui de l’économie et des finances. Le Chef du gouvernement pourrait aussi trouver un appui auprès de certains éléments du MMM.

Le Chef de l’Opposition reprend la main dans le jeu politique après la défaite de son parti aux dernières élections. Le moral des militants s’est vigorifié. Le Chef de l’Opposition est en situation de force pour négocier toute alliance avec un MSM affaibli politiquement.

Les élections locales semblent être renvoyées sine die vu la conjoncture politique actuelle d’autant que le Parlement est en vacances. La tenue des élections locales est suspendue à l’adoption d’une nouvelle loi sur les administrations locale. La victoire du MMM paraît écrasante dans l’actuel contexte politique.

Parvèz DOOKHY

18 juil. 2011

L'infraction de propagation de fausses nouvelles: une procédure potentiellement abusive en démocratie

L’infraction de propagation de fausses nouvelles

(In Le Mauricien du 18 juillet 2011)

Une procédure potentiellement abusive en démocratie

La répression d’un délit large de propagation de fausses nouvelles est indicative du faible niveau démocratique d’un Etat. La propagation de fausses nouvelles (propagation/dissemination of false news/information) est un délit fort ancien qui perdure dans certains pays. Elle est appliquée fréquemment dans les pays d’Afrique connus défavorablement pour leur pratique de la répression politique. Dans certains pays démocratiques où elle existe, elle fait l’objet d’une application particulièrement restrictive, laissant la place à la diffamation pour réparer toute atteinte à l’honneur.

En effet, la propagation de fausses nouvelles se distingue clairement du fait de la diffamation (defamation) sur le plan juridique dans un Etat de droit.

Pour que l’infraction de fausse nouvelle soit constituée, il faut, d’une part, que la nouvelle soit fausse, mensongère, erronée ou inexacte et, d’autre part, qu’elle soit de nature à troubler la paix publique. Le Code criminel du Canada (article 181) exige que la fausse nouvelle cause une atteinte ou un tort à quelque intérêt public. En France, le juge retient l’atteinte à la paix publique ou le trouble grave à l’ordre public (Cour d’appel de Paris du 18 mai 1998). Aussi, le juge apprécie-t-il avec beaucoup d’indulgence l’intention coupable (mens rea) de l’auteur de la fausse nouvelle qui peut aisément faire valoir, comme défense, sa bonne foi ou le fait qu’il a pu légitiment croire que la nouvelle était fondée. L’infraction n’est caractérisée que si l’auteur a agi avec une particulière mauvaise foi. Par ailleurs, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a eu l’occasion d’affirmer que la condamnation d’un journaliste pour le simple fait d’avoir publié un fait avéré comme étant faux à l’encore du Président du Cameroun sans aucun autre élément était une violation de l’article 19 du Pacte (sur la liberté d’expression).

En revanche, la diffamation est une allégation (statement) ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur et à la considération (causing injustified injury to the good reputation of another) de la personne ou du corps auquel le fait est imputé.

La fausse nouvelle se distingue dès lors de la diffamation sur un point essentiel : la première exige que le fait divulgué porte atteinte non pas à l’honneur de la personne intéressée mais à la paix publique. Elle est fait application lorsque le fait publié ne concerne pas sur une personne mais par exemple une politique ou pratique fausse qui serait pratiquée par l’autorité publique ou un groupe privé. A titre d’illustration, est caractéristique d’une propagation de fausse nouvelle le fait infondé d’affirmer qu’un groupe ethnique est en train de tuer des membres d’une autre communauté tel jour dans tel endroit. Ce fait porte effectivement atteinte à la paix publique et constitue une fausse nouvelle d’autant qu’il ne vise aucune personne, physique ou morale, nommément.

L’infraction de propagation de fausse nouvelle est d’application restrictive. Lorsqu’un homme politique X affirme qu’un autre a eu un comportement susceptible d’être une infraction pénale, il s’agit manifestement d’un fait pouvant relever seulement de la diffamation.

Transformer un fait susceptible de diffamation en un délit de propagation de fausse nouvelle pourrait constituer un abus de droit et de procédure. La diffamation demeure un conflit entre deux individus et il est tranché par le juge. La propagation de fausse nouvelle permet de mettre en marche tout l’appareil répressif de l’Etat. Elle devient un combat judiciaire entre l’Etat via la police et l’auteur des propos. Elle pourrait prendre la forme d’une répression politique pure et simple dans la mesure où l’infraction de propagation de fausse nouvelle peut avoir des incidences quant à la liberté physique du mis en cause.

Les organisations de défense des droits de l’homme et de la démocratie seraient bien avisées d’être particulièrement attentives sur toute dérive dans l’application de la loi pénale à des fins politiques.

Parvèz DOOKHY

Docteur en Droit en Sorbonne, Avocat

14 juil. 2011

Maurice contre les pirates somaliens: La justice au lieu de la confrontation armée


L'Express du 14 juillet 2011
GLOBAL: Maurice contre les pirates somaliens La justice au lieu de la confrontation armée

Stéphane BENOÎT

UNE COUR extraterritoriale somalienne à Maurice ? C’est ce que propose l’Organisation des Nations unies ( ONU).

Des négociations sont en cours entre les autorités mauriciennes et l’Union européenne quant au jugement et à la détention de pirates somaliens sur le modèle des accords qui ont été signés avec le Kenya ou les Seychelles. L’ambassadeur de France, Jean- François Dobelle, se félicite d’ailleurs que « Maurice prenne sa part du fardeau » ( dans un entretien accordé à l’express d’aujourd’hui en page 7 ). Ces négociations font suite aux recommandations du Conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU, Jack Lang, pour les questions juridiques liées à la piraterie au large des côtes somaliennes.

Le 21 juin dernier, les membres du Conseil de sécurité ont examiné le rapport du Secrétaire général, Ban Ki- moon, qui a présenté les modalités de création de juridictions spécialisées somaliennes pour juger les personnes soupçonnées de piraterie aussi bien sur les côtes somaliennes que dans les eaux de pays voisins. Parmi les propositions énoncées fi gure l’établissement d’une cour spécialisée somalienne extraterritoriale dont les structures seraient implantées dans un pays voisin, à l’instar de Maurice.

Pour Razack Peeroo, avocat et ancien Attorney general, il ne fait aucun doute qu’il y a les compétences voulues à Maurice – qui a une longue tradition judiciaire et qui est respectée mondialement – pour juger les pirates somaliens. « Cependant, il manquerait peut- être à nos juges l’expérience de leurs homologues étrangers qui ont connu des cas devant les Cours pénales internationales. » En quoi le choix de Maurice pour juger des cas de piraterie peut- il être pertinent ? Selon l’avocat Kailash Triloshun, le fait d’avoir hérité de deux systèmes juridiques élaborés, issus de la Common Law britannique et du Code civil français, est un atout majeur pour notre pays. Pourtant, dit- il, « instituer une Cour extraterritoriale à Maurice aura des implications, notamment en ce qu’il s’agit de la préservation, pour les pirates somaliens, de leurs droits fondamentaux » .
C’est ce que fait ressortir Parvez Dookhy, avocat spécialisé en droits de l’homme et droit international, basé à Paris : pour lui, il est primordial que la question des droits de la défense, dont la présomption d’innocence, dès l’appréhension des pirates en haute mer jusqu’à leur acheminement à Maurice, soit respectée. Pour ce faire, il faudra, entre autres, que des interprètes compétents viennent dans notre île s’adresser aux pirates : en effet, quatre langues sont parlées en Somalie, à savoir l’arabe, le borana, l’oromo et le somali.

Arsenal législatif

Pour que ce projet puisse se concrétiser, il faudrait idéalement que Maurice légifère et fournisse les structures indispensables.

« Tout un arsenal législatif est nécessaire pour l’arrestation, l’acheminement, la détention provisoire ainsi que la question du transfèrement du détenu, son retour dans son pays, après la condamnation » , poursuit Parvez Dookhy . Sur cette question, le 21 juin, le Secrétaire général avait précisé, entre autres, que « pour faire fonctionner une cour somalienne extraterritoriale dans un autre Etat de la région, il faut mettre en place un fondement constitutionnel et législatif somalien pour la cour, instituer une base pénale et procédurale adéquate dans le droit somalien pour les poursuites concernant les actes de piraterie et négocier un accord approprié avec l’Etat hôte pour réglementer toutes les questions liées au fonctionnement de la cour » . Ban Ki- moon a toutefois expliqué que les lois somaliennes doivent être révisées afi• d’être appropriées pour les poursuites.

Selon Razack Peeroo et Vijay Makhan, ancien secrétaire aux affaires étrangères et haut fonctionnaire de l’Organisation de l’unité africaine ( OUA), l’institution d’une telle cour à Maurice coûterait cher, que ce soit au niveau des infrastructures, du personnel juridique, des forces de sécurité que de l’incarcération des pirates. A l’évidence, « cela ne pourrait être fait sans le fi nancement des communautés internationales » , affi rme Kailash Triloshun. Sur ce point, Patricia O’Brien, secrétaire générale adjointe aux affaires juridiques des Nations unies, avait indiqué que Maurice est favorable à un tribunal extraterritorial mais se heurte à des diffi cultés techniques qui l’empêchent de l’accueillir. Reconnaissant la diffi culté d’évaluer le coût de la création d’une telle juridiction, elle a toutefois fait une comparaison avec les chambres de crimes de guerre de la Bosnie, dont le fonctionnement coûte environ 13 millions d’euros ( plus de Rs 500 millions) annuellement.

La mise sur pied d’une cour extraterritoriale à Maurice rencontre quelques réticences. Vijay Makhan se demande si cela ne nuira pas indirectement à l’industrie du tourisme, la présence de pirates somaliens sur notre sol représentant une menace pour la sécurité nationale. Il déplore que notre pays ait raté l’opportunité d’accueillir en 2005 la Cour de justice de l’Union africaine. « Si nous avions adhéré à ce projet, nous nous serions occupés de choses africaines dont celle de la Somalie. Cela aurait été une institution régionale qui nous aurait davantage rapprochés du continent » , résume- t- il.

6 juil. 2011

Cour nationale du droit d'asile: la présence du rapporteur au délibéré contestée

À

Mesdames et Messieurs les Président et Assesseurs

Cour nationale du droit d’asile

35, rue Cuvier

93558 MONTREUIL-SOUS-BOIS CEDEX

Recours n° : 10010051

Audience du 12 juillet 2011 à 13h45 s. 12

Envoyé par télécopie le 11/07/2011 11:23:44

Mémoire complémentaire

Pour :

M. MD PARVISSE

REQUÉRANT

Ayant pour conseil Maître Parvèz DOOKHY

Avocat au Barreau de Paris, Docteur en Droit en Sorbonne

1, rue Gay-Lussac

75005 PARIS

Téléphone : 01.48.36.55.29 Télec.01.45.48.44.04 Port. 06.16.66.12.80

Toque : G-361 p.dookhy@gmail.com

Et Maître Jean-Marc MARINELLI

Avocat au Barreau des Hauts-de-Seine

Contre :

Monsieur le Directeur de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides

DÉFENDEUR

*

* * *

L’exposant entend faire valoir les arguments ci-après exposés


I. Exposé des faits et de la procédure

Le requérant entend réitérer sa demande d’annulation de la décision attaquée de l’Office en sollicitant l’asile conventionnel et, de manière alternative, la protection subsidiaire.

Le requérant fait valoir les arguments qui suivent.

II. Discussion

Sur participation du rapporteur au délibéré

Le requérant demande à ce que le rapporteur ne participe pas au délibéré de la formation de jugement dans son affaire.

En vertu des dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et notamment de l’article R 733-17, les rapporteurs, qui ne font pas partie de la formation de jugement, participent aux délibérés sans voix délibérative. Selon l’usage répandu, ils sont les rédacteurs de la décision, à tout le moins, du projet de décision.

Le Conseil d’État a estimé que « la Commission des recours des réfugiés, devenue la Cour nationale du droit d’asile, qui est une juridiction administrative, doit observer toutes les règles générales de procédure dont l’application n’est pas écartée par une disposition formelle ou n’est pas incompatible avec son organisation » (Conseil d’État : 10 décembre 2008, ISLAM c/ OFPRA, n° 284159). Cette jurisprudence a été confirmée dans l’arrêt OFPRA c/ M. DAVID du 12 juillet 2009, req. N° 306490).

Le rôle du rapporteur à la Cour nationale du droit d'asile correspond à celui du commissaire du gouvernement devant une juridiction administrative avant la réforme introduite par le décret n° 2006-964 du 1er août 2006.

La présence du commissaire du gouvernement au cours du délibéré a été sanctionnée par la Cour européenne des droits de l’homme. Dans une affaire de la Grande Chambre du 12 avril 2006 intitulée MARTINIE c. FRANCE, (Requête no 58675/00), le juge européen a estimé que :

« b) Appréciation de la Cour

53. La Cour souligne en premier lieu que, si dans le dispositif (point 2) de l’arrêt Kress elle indique conclure à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de la « participation » du commissaire du Gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d’Etat, il est fait usage dans la partie opérationnelle de l’arrêt tantôt de ce terme (§§ 80 et 87), tantôt de celui de « présence » (titre 4 et §§ 82, 84 et 85), ou encore des termes « assistance » ou « assiste » ou « assister au délibéré » (§§ 77, 79, 81, 85 et 86). La lecture des faits de la cause, des arguments présentés par les parties et des motifs retenus par la Cour, ensemble avec le dispositif de l’arrêt, montre néanmoins clairement que l’arrêt Kress use de ces termes comme de synonymes, et qu’il condamne la seule présence du commissaire du Gouvernement au délibéré, que celle-ci soit « active » ou « passive ». Les paragraphes 84 et 85, par exemple, sont à cet égard particulièrement parlants : examinant l’argument du Gouvernement selon lequel la « présence » du commissaire du Gouvernement se justifie par le fait qu’ayant été le dernier à avoir vu et étudié le dossier, il serait à même pendant les délibérations de répondre à toute question qui lui serait éventuellement posée sur l’affaire, la Cour répond que l’avantage pour la formation de jugement de cette « assistance » purement technique est à mettre en balance avec l’intérêt supérieur du justiciable, qui doit avoir la garantie que le commissaire du Gouvernement ne puisse pas, par sa « présence », exercer une certaine influence sur l’issue du délibéré, et constate que tel n’est pas le cas du système français.

Tel est au demeurant le sens que l’on doit donner à cet arrêt au vu de la jurisprudence de la Cour, celle-ci ayant condamné non seulement la participation, avec voix consultative, de l’avocat général au délibéré de la Cour de cassation belge (arrêts Borgers et Vermeulen, précités), mais aussi la présence du procureur général adjoint au délibéré de la Cour suprême portugaise, quand bien même il n’y disposait d’aucune voix consultative ou autre (arrêt Lobo Machado, précité), et la seule présence de l’avocat général au délibéré de la chambre criminelle de la Cour de cassation française (arrêt Slimane-Kaïd (no 2), précité) ; cette jurisprudence se fonde pour beaucoup sur la théorie des apparences et sur le fait que, comme le commissaire du Gouvernement devant les juridictions administratives françaises, les avocats généraux et procureur général en question expriment publiquement leur point de vue sur l’affaire avant le délibéré.

54. Cela étant, la Cour rappelle que, sans qu’elle soit formellement tenue de suivre ses arrêts antérieurs, il est dans l’intérêt de la sécurité juridique, de la prévisibilité et de l’égalité devant la loi qu’elle ne s’écarte pas sans motif valable de ses propres précédents – même si, la Convention étant avant tout un mécanisme de défense des droits de l’homme, la Cour doit cependant tenir compte de l’évolution de la situation dans les Etats contractants et réagir, par exemple, au consensus susceptible de se faire jour quant aux normes à atteindre (voir, par exemple, les arrêts Chapman c. Royaume-Uni [GC], no 27238/95, § 70, CEDH 2001-I, et Christine Goodwin c. Royaume-Uni [GC], no 28957/95, § 74, CEDH 2002-VI).

En l’espèce, la Cour ne voit aucun motif susceptible de la convaincre qu’il y a lieu de réformer sa jurisprudence Kress.

55. Partant, il y a eu, en la cause du requérant, violation de l’article 6 § 1 de la Convention du fait de la présence du commissaire du Gouvernement au délibéré de la formation de jugement du Conseil d’Etat. »

Par ailleurs, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 dispose que: « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

Le Conseil constitutionnel a estimé que la Commission des recours des réfugiés, devenue la Cour nationale du droit d'asile, était une « juridiction administrative » (Décision n° 98-399 DC du 05 mai 1998, cons. 16).

La protection prévue par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, faisant partie du bloc de constitutionnalité, ne peut être inférieure à celle prévue, puis développée, à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et citée supra.

En droit interne, la Constitution est la norme suprême. Aucune clause d'un traité ou d'un engagement international ne peut lui être contraire. Le Préambule de la Constitution de 1958 proclame que "la République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international".

Le Conseil constitutionnel a accordé à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme toute la portée de l’article 6 de la Convention européenne.

Au regard de ce qui précède, la présence du rapporteur au délibéré méconnaît tout autant l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme s’applique dans le cas d’espèce en dépit d’un arrêt ancien du Conseil d’Etat du 10 janvier 2003, n° 228947, M. Cherif E. Le Conseil d’Etat avait alors estimé que : « la commission des recours des réfugiés ne statuant pas sur des contestations de caractère civil, le moyen tiré de ce que sa composition méconnaîtrait les stipulations du premier paragraphe de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est, en tout état de cause, inopérant ». Cette jurisprudence est aujourd’hui forcément caduque dans la mesure où depuis l’entrée en vigueur de la Loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile , la Cour nationale du droit d'asile a l’obligation de statuer sur une demande de protection subsidiaire qui est l’application même en droit interne français de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

A tout le moins, la jurisprudence Martinie et la réforme successive en matière du contentieux administratif démontrent que les règles posées par la Cour européenne font partie « règles générales de procédure dont l’application n’est pas écartée par une disposition formelle ». En effet, le code de justice administrative dispose désormais qu'au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : « La décision est délibérée hors la présence des parties et du rapporteur public » (art. R732-2 du CJA), tandis qu'au Conseil d'État : « Sauf demande contraire d'une partie, le rapporteur public assiste au délibéré. Il n'y prend pas part. » (art. R733-3).

Le rapporteur exprime publiquement une position sur l’affaire dont est saisie la Cour nationale du droit d'asile. Sa présence au délibéré et son rôle en tant que rédacteur de la décision à intervenir lui permettent de soutenir jusqu’au prononcé de la décision son point de vue, préalablement exprimé publiquement, en violation du principe fondamental du respect du contradictoire.

Sur la communication des conclusions du rapporteur

Devant les juridictions administratives, les parties peuvent désormais demander communication du sens général des conclusions du rapporteur public préalablement à l’audience.

En vertu de cette règle, e requérant demande à ce qu’au moins le sens des conclusions du rapporteur lui soit préalablement communiqué.

Par ces Motifs

Et tous autres à produire, déduire ou suppléer, au besoin d’office, et sous réserve de ses observations orales, le requérant persiste dans ses précédentes écritures et conclut à ce qu’il plaise à la Cour nationale du droit d’asile :

1) de prendre acte de sa demande à ce qu’au moins le sens des conclusions du rapporteur lui soit préalablement communiqué ;

2) de délibérer hors la présence du rapporteur ;

3) d’annuler la décision attaquée avec toutes conséquences de droit ;

4) de lui accorder l’asile conventionnel ;

5) à titre secondaire, de lui octroyer le bénéfice de la protection subsidiaire.

SOUS TOUTES RÉSERVES

ET CE SERA JUSTICE

Paris, le 5 juillet 2011

1 juil. 2011

Réforme des administrations locales: Un projet absurde




Réforme des administrations locales (In Le Mauricien du 1er juillet 2011)

Un projet absurde

Le projet de réforme de l’administration locale est très décevant. Il n’est nullement à la hauteur de l’espérance suscitée initialement et ne répond en aucune manière à la mise entre parenthèse de la démocratie locale le temps de sa confection.

Le projet de loi (Bill) institue par deux idées phares : l’interdiction pour un élu national de briguer les suffrages lors d’une élection locale et la difficulté créée, en guise de dissuasion, pour un élu d’une assemblée locale de changer de camp politique durant son mandat. Si ces deux propositions sont à première vue séduisantes, elles n’en demeurent pas moins sujettes à de sérieuses interrogations. Le juriste ne peut faire l’économie d’une analyse des difficultés juridiques susceptibles d’être engendrées par les nouvelles dispositions.

De manière plus globale, l’on retiendra que sans aucune réelle avancée pour la décentralisation, la réforme n’est qu’une occasion perdue de procéder à un changement profond de l’administration territoriale nécessaire à une modernisation.

Le grand manquement de la loi

L’administration territoriale de Maurice est caractérisée par une trilogie des collectivités locales : les zones urbaines disposant d’une municipalité, les zones rurales d’un conseil de district et la Région de Rodrigues qui constitue un système hybride. Maurice s’est toujours inspirée du modèle britannique d’administration locale. Ce système met en place une administration territoriale inégalitaire sur l’ensemble de la République. Aujourd’hui, ce système est confronté à une série d’évolutions qui la rend impraticable. Il serait dès lors concevable de créer un échelon uniforme, autrement dit, de grandes villes seulement. Maurice est constituée historiquement de neuf districts et des îles habitées. L’idée serait de transformer ces neufs districts en de pôles urbains attractifs. Chaque district deviendrait une ville nouvelle. L’île Rodrigues et les autres dépendances seraient, dans ce schéma, un autre pôle territorial. Notre développement économique nous impose une marche vers l’égalité territoriale et la modernisation de celle-ci. Il est inadmissible qu’un enfant de Grand-Baie n’a pas accès à une bibliothèque municipale contrairement à celui de Curepipe ou de Quatre-Bornes.

Les progrès rendus possibles par les nouvelles technologies et, plus généralement, les nouveaux moyens de l’action administrative, les attentes des citoyens, l’évolution de leurs besoins, de leur mode de vie, la création de nouveaux quartiers résidentiels et la présence importante de touristes impliquent une organisation plus simple, plus lisible et plus réactive de nos collectivités locales. Il est nécessaire que tout le territoire national soit érigé en statut de zone urbaine. Parallèlement à cette nouvelle organisation unitaire, l’Etat transférait plus de compétence aux collectivités en leur accordant davantage d’autonomie fonctionnelle. Les villes ou les pôles urbains joueraient un rôle accru dans l’émergence d’un nouveau cadre de vie, la protection de l’environnement, le développement de la culture et des loisirs et la sécurité publique.

L’absence d’une réforme de cette envergure à notre administration locale serait moins un manque de compréhension et d’incompétence si le projet actuel n’était pas réduit à la règle anti-transfuge et d’un droit démocratique retiré aux députés.

La règle anti-transfuge

Une telle disposition peut apparaître attrayante au regard du comportement trop affairiste de certains hommes politiques. Elle n’en sera néanmoins qu’une pétition de principe dans la mesure où elle peut trop facilement être contournée et pose, par ailleurs, une sérieuse difficulté juridique. Le principe est que si un élu d’une assemblée locale décide de changer de bord politique, il perd son siège. Pour contourner cette difficulté, l’élu se trouvant dans une telle hypothèse, passera tout simplement en dissidence au moment du vote sans changer de camp officiellement. Ce serait un moyen pour lui de ne pas perdre son siège tout en œuvrant pour l’autre camp politique ! Au-delà de cette considération pratique, ce principe va à l’encontre de l’idée de la représentation, du mandat en démocratie. L’élu, qu’il soit national ou local, est l’élu soit de toute la nation ou de toute la circonscription (locale). Il est chargé de défendre les intérêts non pas de son parti ou même de ses électeurs mais de tous les citoyens, ceux ayant voté pour lui et contre lui et les absents.

Dans notre régime démocratique d’inspiration westminsterienne, le mandat ne peut être impératif (les options sur la base desquelles l'élu a été désigné sont contraignantes). Le mandat est libre et ainsi l'élu est libre de ses votes et choix. Le mandat électif libre est un contrat moral entre les électeurs et l'élu pour qu'il défende l’intérêt général de toute la communauté en son âme et conscience. La règle anti transfuge constituerait l’instauration d’un mandat impératif en ce sens qu’il appartiendrait au parti politique d’appartenance de l’élu de dicter sa conduite. Or le parti n’a pas, dans notre régime politique, de reconnaissance démocratique. Notre système est dit représentatif et n’est nullement une particratie. Le parti n’a pas, en tant que tel, de légitimité démocratique, contrairement au système soviétique où il appartenait au parti de faire des choix pour la nation. Accorder au parti un tel droit va à l’encontre même de la décentralisation où il revient à l’élu local, plus proche de ses concitoyens, de prendre des décisions en raison d’une telle proximité. Aussi, dans le contexte politique mauricien, le pouvoir remonterait-il en réalité entre les mains des seuls leaders des principaux partis politiques.

L’inéligibilité du député aux élections locales

Le projet de loi prévoit que les députés en exercice ne pourraient pas faire acte de candidature aux élections locales, entendons les élections municipales. Il ne s’agit pas en réalité du non cumul des mandats comme cela existe dans d’autres pays. Le non cumul oblige l’intéressé à choisir à exercer un seul mandant à la suite d’une double élection. Mais il ne l’empêche pas à être candidat. La loi lui impose, en cas d’élection, de choisir le mandant qu’il souhaite exercer. Le projet mauricien interdit au député de faire acte de candidature aux élections locales. Ce qui constitue une grave entorse à un droit constitutionnel élémentaire. Le cas d’espèce n’est pas non plus comparable au régime appliqué aux fonctionnaires de l’Etat. Ces derniers ont tout à fait la possibilité d’être candidats à une élection politique mais peuvent être démis de leur fonction dans cette hypothèse en raison d’un manque d’impartialité et de neutralité. Poser le principe de l’inéligibilité du député est une méconnaissance de la Constitution car il exclut au suffrage une catégorie de personnes sans motifs constitutionnels légitimes.

Ce sont les raisons pour lesquelles, pour ma part, j’estime que la réforme envisagée doit être rejetée dans son intégralité !

Parvèz DOOKHY