23 août 2011

"Le Président doit avoir un rôle actif", propos recueillis par Michel CHUI CHUN LAM




L'Express du 23 août 2011

«Le Président doit avoir un rôle actif»

Propos recueillis par Michel CHUI CHUN LAM

Parvèz Dookhy, docteur en droit et avocat exerçant en France, livre ses réfl exions sur le principe d’un régime « présidentialiste » .

(…) un rôle d’arbitre, de garant des institutions.

Quels seraient les impacts éventuels, et les implications de l’introduction d’un système « présidentialiste » à la française à Maurice ?

Dans le système « présidentialiste » , ou semi- présidentiel français, le président de la République est la clé de voûte du système institutionnel.

L’élection du Président est la contestation politique majeure. Le Président n’a plus un rôle honorifi que mais il fi xe les grandes orientations de la politique du pays. C’est lui qui choisit le Premier ministre lorsqu’il a une cohérence de majorité présidentielle et parlementaire.

Dans le contexte mauricien, il va de soi que la communauté majoritaire estimera que ce poste doit revenir à un des siens. En tout cas, je vois certaines organisations cultuelles s’activer pour le revendiquer. Puis, se posera aussi la question de l’appartenance ethnique du Premier ministre. C’est un jeu dangereux, je pense. Il y a le risque de confl it institutionnel à la tête de l’Etat.

Quel mode de désignation du président de la République vous semble le plus pertinent ?

Actuellement, le président de la République est choisi par le Premier ministre et son choix est juste ratifi é par le Parlement. Pour qu’il ait plus de légitimité, il faut qu’il soit élu. Tout dépend du rôle qu’on entend donner au Président. Si c’est lui qui détermine la politique de la nation, il doit avoir la légitimité nécessaire et être élu au suffrage universel direct, c’est- à- dire par le peuple.

Si c’est pour lui donner simplement un plus grand rôle, par exemple la possibilité pour le Président de représenter Maurice sur la scène internationale, il peut alors être élu simplement par un collège électoral, comprenant des députés et des chefs des administrations locales.

Vous évoquez les pouvoirs du Président, quels doivent- ils être ?

Pour que le Président puisse avoir le rôle et le pouvoir du président français, il faut trois changements constitutionnels majeurs. Il faut qu’il soit élu par le peuple. Il faut qu’il préside le conseil des ministres et ensuite il doit avoir un droit autonome de dissolution de l’Assemblée nationale.

Personnellement, pour l’équilibre de nos institutions, je pense que le Président peut jouer simplement un rôle effectif dans la conduite de la politique étrangère, vu son expérience et sa stature internationale.

Quelle doit être la relation entre l’exécutif et le législatif dans le cadre d’une II e République ?

Actuellement, il n’y a pas trop de séparation de pouvoir entre l’exécutif et le législatif.

Les ministres sont obligatoirement des députés en exercice, à l’exception de l’ Attorney General. Et le Premier ministre est le Leader of the House , donc c’est lui qui a la maîtrise du calendrier parlementaire. Il peut suspendre le Parlement, comme c’est le cas présentement, à tout moment.

En France, les ministres issus du Parlement perdent, pendant l’exercice de leur mandat ministériel, le statut de parlementaire et ils sont remplacés par leur suppléant.

Ce serait peut- être diffi cile à mettre en place pour Maurice.

Mais on peut imaginer que la Constitution prévoie qu’environ cinq ministres peuvent ne pas être des élus nationaux. Pour permettre aux non- députés d’être ministres.

Et il est impératif que le calendrier parlementaire soit fi xé, c’est- à- dire, qu’il y ait des sessions parlementaires, en conservant la possibilité pour l’exécutif de rappeler le Parlement en temps de crise hors des sessions.

Quel serait selon vous le système le plus viable pour Maurice ?

Il faut être prudent.

Le régime « présidentialiste » à la française n’est pas un bon modèle pour des pays où la démocratie n’est pas parfaitement entrée dans les moeurs. Trop de pouvoirs sont concentrés entre les mains d’un homme. On l’a vu un peu dans les pays d’Afrique. Je suis pour le régime parlementaire tout en accordant au président de la République un rôle actif : un rôle d’arbitre, de garant des institutions et de représentant de l’Etat sur la scène internationale.